Psaumes (77)

Le passé d'Israël, une leçon à ne pas oublier

A l'école de l'histoire

(Psaumes 78)

Bon pédagogue, le psalmiste précise ses intentions (v. 1-11). D'abord, tirer les leçons du passé et ramener le peuple à l'observance de la loi. Puis, transmettre la mémoire collective à la génération suivante et encourager tout le monde à contempler les merveilles du Seigneur.

A l'heure de l'information massive et virtuelle, la place de la mémoire demeure importante pour tirer les leçons du passé et transmettre aux générations suivantes les trésors de l'expérience accumulée.

Le sage entreprend ensuite une relecture libre de l'histoire nationale. Il commence par la période qui va de la sortie d'Égypte jusqu'au désert du Sinaï (v. 12-53). Il enchaîne avec l'établissement en terre promise, pour en arriver au règne de David, le grand roi (v. 54-72). Pour chacune des périodes, le récit est bâti avec la même structure : action merveilleuse du Seigneur, contestation du peuple, représailles divines.

Mon peuple, écoute bien mes instructions,

tends une oreille attentive à ce que je dis.

2Je veux m'exprimer par une parabole

et dégager les leçons du passé.

3Ce passé nous est familier,

tant nous l'avons entendu raconter,

tant nos parents nous en ont fait le récit.

4Nous voulons non pas le cacher à nos enfants,

mais répéter à la génération qui suit

les motifs qu'ils ont de louer le Seigneur,

sa puissance et les merveilles qu'il a faites.

5Il a établi une règle pour son peuple,

il a institué une loi en Israël.

Elle ordonnait à nos ancêtres

d'enseigner cette Histoire à leurs enfants.

6Ainsi la génération qui suivrait, celle des enfants à naître,

la connaîtrait à son tour et pourrait répéter à ses propres enfants

7de mettre leur confiance en Dieu,

de ne pas oublier ce qu'il a fait

et d'observer ses commandements.

8Alors ils n'imiteraient plus cette génération de leurs ancêtres

qui fut indocile et rebelle,

de cœur inconstant et d'esprit infidèle à Dieu.

9Les gens de la tribu d'Éfraïm, armés pour le tir à l'arc,[#78.9 Principale tribu du royaume israélite du nord, désigne souvent par extension l'ensemble de ce royaume.]

ont tourné le dos, le jour du combat :

10ils n'avaient pas respecté l'engagement qui les liait à Dieu,

ils avaient refusé de suivre sa loi ,

11ils avaient oublié ses exploits

et les merveilles qu'il leur avait fait voir.

L'architecture du Psaume 78 : une symétrie parfaite

A – deux miracles d'eau (v. 12-16)

B – contestation au sein du peuple (v. 17-20)

C – sanctions divines (v. 21-22)

D – un miracle alimentaire (v. 23-25)

D' – un miracle alimentaire (v. 26-29)

C' – sanctions divines (v. 30-39)

B’ – contestation au sein du peuple (v. 40-42)

A’ – deux miracles d'eau (v. 43-53)

Un moment clé de l'histoire

(78.12-53)

Les événements de l'Exode constituent le récit fondateur de l'Ancien Testament. Ils permettent d'interpréter le présent et de le situer sur l'horizon plus large de l'histoire du salut. Les récits, fondés sur l'histoire, prennent une forte densité symbolique. Ils illustrent un schéma dramatique vécu par le peuple d'Israël : oppression, libération, infidélité et révolte.

L'eau : pour la mort ou pour la vie

(78.12-16)

La mer engloutit les Égyptiens qui incarnent l'oppression. Pour eux, la mort. Cette mort marque aussi la défaite du mal. Pour le peuple élu, sortir sain et sauf de la mer équivaut à la libération. Plus tard, au cœur du désert, l'eau jaillie du rocher assure la survie. Dieu étanche toutes les soifs.

Le double symbolisme de l'eau (mer et source) évoque à merveille la lutte des forces de mort et de vie au cœur de toute existence humaine. Souffrance et mal sont des eaux qui étouffent et engloutissent. Salut et renaissance sont des eaux qui jaillissent, abreuvent et entretiennent la vie !

12En Égypte, dans la région de Soan,

sous les yeux de leurs ancêtres,

il avait fait des prodiges :

13il fendit la mer pour les faire traverser,

il figea ses eaux comme une muraille.

14Le jour il les guidait grâce à une colonne de fumée,

et toute la nuit à la lumière d'un feu.

15Il avait fendu des rochers dans le désert

pour les faire boire aux eaux souterraines.

16De la pierre, il avait fait jaillir des ruisseaux

et couler des torrents d'eau.

Du pain et des plaintes

(78.17-39)

Le psalmiste voit dans les malheurs qui ont frappé le peuple au désert une punition divine pour ses infidélités. Mais il constate surtout la patience de Dieu, son indulgence envers ses créatures aussi fragiles qu'un souffle.

La satiété causerait-elle des pertes de mémoire ? Les richesses de toutes sortes et les horaires trop remplis risquent de reléguer Dieu au second plan. Dans des vies trop mécaniques, le grain de sable de la souffrance, lorsqu'il survient, peut quelquefois déclencher une prise de conscience profonde et susciter un réveil spirituel.

17Mais ils commirent de nouvelles fautes :

dans cette terre aride, ils s'opposèrent au Dieu très-haut.

18Ils osèrent mettre Dieu au défi

en réclamant de quoi manger.

19Ils médirent de Dieu en posant la question :

« Dieu est-il vraiment capable

de nous servir un repas dans le désert ?

20C'est vrai, il a frappé le rocher

pour en faire couler de l'eau et ruisseler des torrents.

Mais pourrait-il aussi nous fournir du pain

ou offrir de la viande à tous ? »

21Le Seigneur se fâcha en entendant ces mots,

sa colère éclata contre Israël,

comme un feu allumé contre son peuple.

22Car les siens n'avaient pas cru en lui,

ils n'avaient pas compté sur son secours.

23Il donna pourtant des ordres aux nuages,

il ouvrit les portes du ciel,

24il fit pleuvoir sur eux de quoi manger, la manne ;

à son peuple il donna le pain du ciel.

25Il leur envoya des vivres tant qu'ils en voulurent ;

les hommes purent manger le pain des anges .

26Puis Dieu déchaîna le vent d'est dans le ciel,

il força le vent du sud à souffler

27et fit descendre sur eux de la viande

comme un nuage de poussière :

des oiseaux en aussi grande quantité

que le sable au bord de la mer.

28Il les fit tomber en plein dans le camp,

tout autour des tentes d'Israël.

29Le Seigneur ayant satisfait leurs désirs,

ils en mangèrent beaucoup, tant qu'ils voulurent.

30Mais ils n'étaient pas encore repus,

ils avaient encore la bouche pleine,

31que la colère de Dieu éclata contre eux.

Il massacra une partie de l'élite,

il terrassa les jeunes hommes d'Israël.

32Malgré tout ils commettaient de nouvelles fautes,

ils ne croyaient pas à ses merveilles.

33Alors, d'un souffle, il balayait leur existence,

mettait fin à leur vie par un malheur soudain.

34Quand la mort survenait, alors ils se tournaient vers Dieu,

ils revenaient à lui et cherchaient son appui.

35Ils se rappelaient qu'il était leur Rocher,

que le Dieu très-haut était leur défenseur.

36Mais ils n'étaient pas sincères,

ce qu'ils lui disaient n'était pas vrai,

37ils ne lui étaient pas fermement attachés,

ils trahissaient leur engagement envers lui.

38Mais lui, il leur gardait son affection,

il pardonnait leurs torts, il renonçait à les exterminer.

Bien souvent, il retint sa colère et fit taire son indignation,

39se rappelant qu'ils n'étaient que des hommes,

un souffle qui s'en va pour ne plus revenir.

Des fléaux en série

(78.40-53)

Dans le contexte de l'Exode, l'Égypte personnifie l'oppression : terre maudite affligée de toutes les calamités, terre où Dieu déchaîne sa fureur contre le mal. Pour le peuple élu, chaque fléau naturel devient prodige : l'heure de la libération approche. Ce Dieu qui n'admet pas l'esclavage, devient un berger attentif aux siens. Avec lui, ils peuvent traverser indemnes la mer (symbole du mal) et laisser derrière eux leurs ennemis engloutis. Avec lui, finie la peur !

On est parfois tenté d'expliquer les catastrophes naturelles comme une punition divine. C'est faire injure à la bonté de Dieu. Mieux vaudrait mettre son ardeur et son habileté à aider les victimes, comme le Dieu d'Israël l'a fait en faveur de son peuple. La même attitude constructive s'impose face à toutes les calamités provoquées par la négligence ou la méchanceté humaines.

40Que de fois, au désert, ils s'opposèrent à lui

et le provoquèrent dans ces lieux arides !

41Ils recommençaient à le mettre au défi,

ils offensaient l'unique vrai Dieu, le Dieu d'Israël.

42Ils oubliaient ce qu'il avait fait pour eux

quand il les avait délivrés de l'adversaire.

43Ils oubliaient les interventions marquantes

qu'il avait réalisées en Égypte,

ses prodiges dans la région de Soan :

44l'eau des canaux changée en sang

et rendue imbuvable pour les Égyptiens.

45Les mouches piquantes qui leur suçaient le sang,

et les grenouilles qui dévastaient tout.

46Leurs récoltes livrées aux criquets,

le produit de leur travail aux sauterelles .

47Leurs vignobles ravagés par la grêle

et leurs sycomores par des pluies torrentielles.

48Leur bétail soumis à la grêle

et leurs troupeaux à la foudre.

49A la fin, Dieu lâcha contre les Égyptiens

sa colère ardente, sa fureur déchaînée,

tout un commando d'anges de malheur.

50Donnant libre cours à sa colère,

il ne leur envoya pas seulement la mort,

mais les soumit tout vivants au pire fléau :

51dans les familles égyptiennes, chez les descendants de Cham,

il frappa de mort les fils aînés, le premier produit de leur vigueur.

52Puis il fit partir son peuple

comme un troupeau qui sort de la bergerie ;

il conduisit les siens au désert,

comme on conduit ses brebis .

53Il les mena en sûreté, à l'abri de la peur,

et la mer recouvrit leurs ennemis.

(Psaumes 78.54-72)

A peuple infidèle, Dieu fidèle

Entre l'arrivée dans le pays promis et la montée de David sur le trône, presque deux siècles s'écoulent. Dans un survol rapide, le psalmiste s'en tient à quelques faits marquants de cette période où abondent les guerres et les conflits. Il s'intéresse avant tout à la relation entre Dieu et son peuple, relation tout aussi mouvementée que l'histoire même. Dieu punit les désobéissances de son peuple, mais il cherche aussi des moyens nouveaux pour le sauver. Dieu choisit les petits : il fait du plus humble des bergers un grand roi. Avec David, il donne à son peuple un guide sûr.

Vivante mémoire

Les Écritures gardent vivante la mémoire des interventions de Dieu dans l'histoire. Il importe que les communautés et les personnes y puisent constamment. Ainsi seulement, elles situent leur courte histoire dans celle, beaucoup plus longue, de l'alliance. L'oubli des merveilles de Dieu, en revanche, brouille la relation avec le Sauveur. Si les idoles (que chacun peut nommer) détournent de Dieu et font croire qu'il s'est endormi, Dieu, lui, demeure éternellement fidèle à son alliance.

54Puis il les fit venir dans sa Terre Sainte,

à la montagne qu'il avait conquise.

55Il expulsa devant eux des populations

dont il leur répartit le territoire en lots héréditaires ;

il installa les tribus d'Israël chez les Cananéens eux-mêmes.

56Mais ils mirent au défi le Dieu très-haut

en s'opposant à lui, en n'observant pas ses commandements.

57Comme leurs ancêtres, ils furent déserteurs et traîtres,

décevants comme un arc dont la corde lâche.

58Ils provoquèrent le Seigneur

en utilisant les lieux sacrés des païens ;

et par leurs statuettes de faux dieux,

ils soulevèrent son indignation.

59En constatant cela, Dieu se fâcha

et il laissa tomber le peuple d'Israël.

60Il délaissa la demeure de Silo,

la tente qu'il avait dressée chez les hommes.

61Et quant au coffre sacré, signe de sa puissance et de sa gloire ,

il le laissa passer en des mains ennemies et partir pour l'exil.

62Fâché contre ceux qui lui appartenaient,

il livra son peuple au massacre.

63Le feu consuma les jeunes gens,

on ne chanta plus pour les jeunes filles.

64Les prêtres furent assassinés,

et il ne resta plus de veuves

pour faire entendre les lamentations.

65Alors, comme un homme qui a dormi,

comme un vaillant guerrier dégrisé, le Seigneur s'éveilla.

66Il frappa ses adversaires en fuite

et les humilia définitivement.

67Il écarta les descendants de Joseph ;

ce ne fut pas la tribu d'Éfraïm qu'il choisit,

68mais la tribu de Juda,

et c'est le mont Sion qui eut sa préférence.

69Il y édifia son temple , solide comme le ciel

et comme la terre qu'il a mise en place pour toujours.

70Il choisit aussi David comme serviteur,

il alla le chercher dans les parcs à moutons,

71il le fit venir de derrière son troupeau,

pour qu'il devienne le berger d'Israël,

de son peuple, son bien le plus personnel.

72David s'acquitta de sa tâche d'un cœur irréprochable,

et d'une main experte il guida le peuple du Seigneur.

Société biblique française – Bibli'O, 2004
Published by: French Bible Society