Ésaïe 5

La vigne du Seigneur

1Laissez-moi chanter quelques couplets au nom de mon ami ; c'est la chanson de mon ami et de sa vigne.

Le chant de l'amour déçu

(5.1-7)

La vigne est signe de prospérité et de joie de vivre. La Bible compare souvent le peuple de Dieu à une vigne fertile (Jér 2.2112.10).

Cette allégorie illustre le rôle que joue le prophète entre Dieu et son peuple. L'ami du propriétaire de la vigne chante l'amour de ce dernier pour sa vigne. De même, le prophète est l'ami de Dieu et il peut dire son amour pour son peuple. Mais il doit aussi annoncer la déception de Dieu, lorsque son peuple ne donne pas les fruits espérés, c'est-à-dire le respect du droit et la loyauté. Dans le conflit qui oppose Dieu à son peuple, les gens de Juda sont appelés à discerner qui est fidèle à son engagement et qui ne l'est pas. Chacun peut faire le bilan de son amour envers Dieu : quels fruits a-t-il portés ?

Dans son enseignement, Jésus a souvent repris l'allégorie de la vigne : il se présente lui-même comme la vigne que Dieu aime et qui produit les meilleurs fruits (Jean 15.1-11Matt 21.33-46).

Mon ami avait une vigne

sur un coteau fertile.

2Il en avait travaillé la terre,

enlevé les pierres ;

il y avait mis un plant de choix,

bâti une tour de guet

et creusé un pressoir.

Il espérait que sa vigne

produirait de beaux raisins,

mais elle n'a rien donné de bon.

3« Eh bien, dit mon ami,

vous qui habitez Jérusalem,

vous les gens de Juda,

c'est à vous de juger

entre ma vigne et moi.

4Que faire de plus pour elle,

que je n'aie déjà fait ?

J'espérais d'elle de beaux raisins,

elle n'a rien donné de bon. Pourquoi ?

5Maintenant, je veux vous dire

ce que je vais faire à ma vigne :

J'arracherai la haie qui l'entoure,

et les troupeaux y brouteront.

J'abattrai son mur de clôture,

et les passants la piétineront.

6Je ferai d'elle un terrain vague :

personne pour la tailler,

personne pour l'entretenir ;

épines et ronces y pousseront,

et j'interdirai aux nuages

de laisser tomber la pluie sur elle. »

7La vigne du Seigneur de l'univers,

c'est la nation d'Israël.

La plantation qui lui plaisait tant,

c'est le peuple de Juda.

Le Seigneur espérait d'eux

qu'ils respecteraient le droit,

mais c'est partout

injustice et passe-droit ;

il escomptait la loyauté,

mais c'est partout

cris de détresse et déloyauté.

Ceux qui provoquent la colère du Seigneur

(V. 8-24 ; voir 10.1-4)

8Quel malheur de voir ces gens

Le mal et la mort

(5.8-24)

Avec beaucoup de lucidité, le prophète décrit les actions de ses contemporains : ils volent les terres de leurs voisins (v. 8), ils mentent (v. 18), ils renversent les valeurs (v. 20), ils corrompent et falsifient le droit (v. 23), ils ne vivent que pour l'orgie (v. 11-12, 22). Ces calamités sociales sont la conséquence de la distance prise avec l'enseignement du Seigneur. Lorsqu'on perd le sens de la sainteté de Dieu, on perd souvent aussi le respect du prochain.

Le malheur interne au peuple est accru par les conflits externes. Les événements politiques, à plus ou moins long terme, vont emporter le peuple vers la catastrophe. Le pays sera dévasté, la population déportée. Cette situation est l'œuvre du Seigneur, c'est la conséquence du rejet de sa Parole.

Quel malheur de voir…

(5.8, 11, 18, 20-22)

La Bible emploie souvent des expressions qui annoncent le malheur. Jésus lui-même les prendra à son compte (Matt 23.13-29Luc 6.24-26). Quand elles sont traduites par : « Malheur à vous… », elles peuvent donner à penser que le prophète – ou Jésus – souhaite du mal à ses interlocuteurs ou les maudit. Le sens exact est bien plutôt celui que répètent ici les v. 18, 20-22 : « Quel malheur de voir ces gens… » Le porte-parole de Dieu exprime sa tristesse de voir ce que vont produire des comportements insensés et injustes (És 24.16). Jésus demande expressément de ne pas maudire mais plutôt de souhaiter que les gens qui font le mal en viennent à changer de comportement (Luc 6.28).

qui ajoutent une maison à une autre

et annexent champ après champ !

A la fin, ils ont pris toute la place,

il n'y a plus qu'eux dans le pays.

9J'ai entendu le Seigneur de l'univers

faire ce serment : « Je le jure,

toutes ces maisons seront dévastées,

ces grandes et belles demeures

resteront vides d'habitants.

10Trois hectares de vigne

ne produiront pas cinquante litres de vin ;

et qui sème cent kilos de blé

n'en récoltera que dix. »

11Quel malheur de voir ceux qui

dès le matin se ruent sur les boissons fortes,

et tard le soir encore s'échauffent avec du vin !

12Ils s'enivrent au son des harpes et des lyres,

des tambourins et des flûtes.

Mais ils ne remarquent pas

que le Seigneur agit,

ils ne regardent pas ce qu'il fait.

13C'est pourquoi le Seigneur déclare :

« Mon peuple sera déporté,

car il n'a rien compris.

Ses élites mourront de faim,

ses masses populaires dépériront de soif. »

14La Mort a ouvert tout grand sa gueule,

elle l'agrandit démesurément.

Nobles et petit peuple de Jérusalem

y tomberont en pleine fête.

15C'est pourquoi tous les hommes

devront s'incliner

et mordre la poussière.

L'homme au regard hautain

devra baisser les yeux.

16Le Seigneur de l'univers montrera sa grandeur

en instaurant le droit ;

l'unique vrai Dieu montrera qu'il est Dieu

en établissant son ordre.

17Dans les ruines de la ville,

les moutons paîtront

comme dans leur pâturage,

et les chevreaux qu'on engraisse

y chercheront leur nourriture.

18Quel malheur de voir ces gens

attelés au crime

par les cordes du mensonge !

Comme on traîne un chariot,

ils traînent derrière eux

les suites de leur faute.

19Ils disent en effet :

« Vite, vite que se réalise

ce que le Seigneur doit faire,

nous voudrions voir ça !

Que le plan du Dieu d'Israël, le vrai, l'unique,

arrive à échéance,

nous aimerions le connaître ! »

20Quel malheur de voir ces gens

qui déclarent bien ce qui est mal,

et mal ce qui est bien !

Ils prétendent clair ce qui est sombre,

et sombre ce qui est clair.

De ce qui est doux

ils font quelque chose d'amer,

et de ce qui est amer

quelque chose de doux.

21Quel malheur de voir ces gens

qui se prennent pour des sages

et qui se croient intelligents !

22Quel malheur de voir ces gens

qui sont des champions pour boire,

des virtuoses pour préparer

des boissons corsées !

23Ils acquittent le coupable

en échange d'un cadeau,

et ne veulent rien savoir

du bon droit de l'innocent.

24C'est pourquoi ils auront le sort

de la paille qu'on brûle sur pied,

ou de l'herbe sèche

qui se consume dans les flammes.

Ils pourriront par la racine,

leur tige tombera en poussière,

car ils ont méprisé l'enseignement

du Seigneur de l'univers,

ils ont dédaigné la parole

de l'unique vrai Dieu, le Dieu d'Israël.

Le poing menaçant du Seigneur

(V. 25 ; voir 9.7-20)

25C'est pourquoi le Seigneur

La colère du Seigneur

(5.25)

Dieu est blessé par l'infidélité de son peuple. Il exprime son indignation et sa colère devant le gâchis humain dont le peuple se rend coupable. La Bible appelle souvent « colère » cette immense déception de Dieu (Jean 3.36Marc 3.5Apoc 6.16).

fit éclater son indignation

contre son peuple.

Il l'a menacé du poing et l'a frappé.

Les montagnes en ont tremblé ;

les cadavres des victimes

restent sur place dans les rues

comme des ordures.

Mais la colère du Seigneur

ne cesse pas pour autant,

et son poing reste menaçant.

26Le Seigneur dresse un signal

L'invasion assyrienne

(5.26-30)

Le prophète brandit la menace d'une invasion assyrienne. A l'époque d'Ésaïe, l'Assyrie domine la région, depuis le conquérant Téglath Phalasar III (745-727) jusqu'à Sennakérib (704-681). Les mentalités et l'interprétation de l'histoire en sont restées profondément marquées : comment penser Dieu autrement qu'en lien avec cette histoire ? Pour démontrer la puissance de Dieu, le prophète le désigne souvent comme l'auteur direct et premier de tout ce qui arrive (v. 26 ; 6.10).

pour des nations lointaines ;

il siffle pour faire venir cette troupe

depuis le bout du monde.

La voilà qui se hâte

et arrive au plus vite.

27Il n'y a personne chez elle

qui se sente fatigué,

personne qui traîne les pieds,

personne qui somnole,

personne qui s'endorme ;

aucun ceinturon n'est débouclé,

aucun lacet desserré.

28Ses flèches sont aiguisées,

ses arcs prêts à tirer.

Les sabots de ses chevaux

sont durs comme un silex,

et les roues de ses chars

font penser à un tourbillon.

29On croit entendre

le rugissement d'une lionne,

le cri rauque d'un fauve,

qui gronde, saisit sa proie

et la met en lieu sûr,

sans que personne ose la lui arracher.

30Un de ces jours cependant,

c'est contre cette nation

que le tonnerre grondera,

comme la mer en colère.

On regardera le pays,

mais on n'y verra

qu'une obscurité oppressante ;

d'épais nuages obscurciront

la lumière du jour.

Société biblique française – Bibli'O, 2004
Published by: French Bible Society