Job 5

1Lance un appel, pour voir si quelqu'un te répond.

Ma souffrance, à qui la faute ?

(5.1-7)

Élifaz affirme qu'on doit maudire la maison du sot qui prospère, en souhaitant que ses enfants paient pour la sottise du père. Job doit donc comprendre que son malheur est peut-être dû à la faute d'un des membres de sa famille. Cette thèse ancienne de la rétribution collective s'est longtemps exprimée ainsi : Dieu punit la faute des pères sur les fils jusqu'à la quatrième génération pour ceux qui sont en tort à son égard (Ex 20.5Deut 5.9). Selon cette thèse, la solidarité a une double dimension : temporelle, dans la succession des générations, et spatiale, en impliquant la famille, la ville, le pays (2 Sam 12.13-141 Rois 21.29). Selon Élifaz, la pédagogie de Dieu ressemble à celle d'un professeur qui impose une dure punition à toute la classe à cause de deux ou trois élèves indisciplinés.

Auquel de ses anges pourras-tu t'adresser ?

2Le sot en veut à tous, c'est cela qui le tue ;

l'imbécile s'emporte, et il en meurt bientôt.

3Certes, j'ai déjà vu un sot qui prospérait,

mais sans tarder j'ai prononcé sur sa maison

cette malédiction :

4« Que ses enfants restent privés de tout appui,

condamnés sans recours devant le tribunal !

5Ce qu'il a moissonné, que d'autres en profitent !

Qu'ils aillent s'en saisir, malgré les haies d'épines !

Que des gens avides s'emparent de ses biens ! »

6L'injustice, en effet, ne sort pas de la terre,

la misère non plus ne germe pas du sol.

7Mais l'homme est destiné à subir la misère,

comme les étincelles à voler en l'air.

8Si j'étais toi, je m'adresserais donc à Dieu ;

La prière comme une insulte

(5.8-16)

Cet hymne est semblable à certains psaumes. Toutefois, dans la bouche d'Élifaz, ces paroles ne sont pas à proprement parler une louange. Élifaz veut seulement convaincre Job que Dieu juge chacun selon ses œuvres. Il introduit ce passage par un conseil : Job devrait directement faire appel à Dieu. En fait, Élifaz ne fera jamais directement appel à Dieu, alors que Job suivra à maintes reprises ce conseil (7.7-812-1417-21, etc.).

c'est à lui-même que je soumettrais mon cas.

9Ce qu'il fait est grandiose, il n'est pas limité.

On ne peut pas énumérer tous ses prodiges.

10C'est lui qui fait pleuvoir pour arroser la terre,

qui envoie l'eau du ciel pour abreuver les champs.

11Il place tout en haut ceux qui sont tout en bas ;

ceux qui portaient le deuil se dressent de bonheur.

12Il casse les projets des gens les plus malins,

et les plans qu'ils ont faits se brisent dans leurs mains.

13C'est qu'il prend les sages au piège de leur ruse ;[#5.13 Le début du verset est cité par l'apôtre Paul en 1 Cor 3.19.]

leurs habiles conseils se trouvent dépassés.

14Ils butent en plein jour contre l'obscurité,

tâtonnant dans la nuit, alors qu'il est midi.

15Mais Dieu sauve de leur gueule l'homme abattu,[#5.15 : avec les mêmes consonnes mais d'autres voyelles, le texte traditionnel propose (Dieu sauve)]

il arrache le pauvre à leurs puissantes griffes.

16Il y a désormais un espoir pour les faibles,

et il ferme la bouche à tous les malfaisants.

17Voici un homme heureux : celui que Dieu corrige !

Ma souffrance, une valeur éducative ?

(5.17-27)

Élifaz cherche maintenant à convaincre Job que la souffrance a une valeur éducative : il la considère comme un avantage. Cette idée n'est pas nouvelle (Amos 4.6-12Deut 8.2-3). C'était toujours le peuple qui était éduqué par l'épreuve collective, jamais un individu. Sachant que le mal dont souffre Job est un mal-malheur et non un mal-châtiment (cf. le pari de l'accusateur aux chap. 1–2), cette interprétation de la souffrance ne ressemble-t-elle pas à l'opium de la résignation ? Certains parviennent peut-être à discerner dans leur propre souffrance une valeur éducative (Hébr 12.5-11), mais de là à en faire une règle !

Toi, Job, n'aie donc aucun mépris

pour les leçons du Dieu très-grand.

18Dieu peut faire souffrir, mais il répare aussi ;

s'il fait une blessure, il la soigne lui-même.

19Plus d'une fois, il te sauvera de l'angoisse,

et à la fin, le mal ne pourra plus t'atteindre.

20En temps de famine, il t'évitera la mort ;

au plus fort du combat, il sauvera ta vie.

21Tu seras à l'abri de la langue agressive,

tu n'auras rien à craindre au moment du désastre.

22Le désastre, la faim, tu t'en moqueras bien,

et tu seras sans peur face aux bêtes sauvages.

23Tu seras garanti des dégâts dans tes champs :

des pierres qu'on y jette, ou des bêtes qui passent.

24Tu connaîtras la paix dans toute ta maison ;

quand tu l'inspecteras, il n'y manquera rien.

25Tu verras encore ta famille augmenter,

tes descendants pousser comme l'herbe des champs,

26et tu pourras mourir quand ta vie sera pleine,

quand le grand tas de gerbes sera au complet.

27Voilà le résultat de nos longues recherches ;

il en est bien ainsi.

Laisse-toi informer, et fais-en ton profit !

Société biblique française – Bibli'O, 2004
Published by: French Bible Society