Ésaïe 42

Le serviteur du Seigneur (premier poème)

1Voici mon serviteur,[#42.1 Le début du v. 1 est évoqué en Matt 3.17 ; 17.5 ; Marc 1.11 ; Luc 3.22 ; 9.35. – V. 1-4 : voir Matt 12.18-21.]

Le serviteur choisi par Dieu

(42.1-9)

Ces versets forment le premier des quatre « chants du serviteur » que l'on trouve dans la deuxième partie du livre d'Ésaïe. Toute l'attention est concentrée sur la personne et l'action du serviteur, mais ce personnage est difficile à identifier. On hésite entre un être collectif, le peuple d'Israël personnalisé (comme au v. 19), ou un individu. Ce personnage intervient-il à la fin des temps ou est-il un personnage historique du passé ou du présent ? De plus en plus nombreux sont ceux qui voient dans le serviteur le prophète lui-même. Cette dernière interprétation n'exclut pas que l'on puisse comprendre ce personnage comme un messie à venir.

Les épreuves ne sont jamais épargnées à ceux qui servent la Parole de Dieu. Le serviteur a pour mission d'établir le droit sur la terre. Même les païens l'écouteront (v. 4). Le serviteur apportera la lumière aux nations, libérera le peuple, réveillera la foi là où elle dort, la fortifiera ; il confirmera l'alliance de Dieu avec l'humanité (v. 6).

L'évangile de Matthieu identifiera très clairement le Christ à ce serviteur annoncé par le prophète (Matt 3.16-1712.1817.5).

dit le Seigneur,

je le tiens par la main,

j'ai plaisir à l'avoir choisi.

J'ai mis mon Esprit sur lui

pour qu'il apporte aux nations

le droit que j'instaure.

2Il ne crie pas, il n'élève pas la voix,

il ne fait pas non plus

de grands discours dans la rue.

3Il ne casse pas le roseau déjà plié,

il n'éteint pas la lampe qui faiblit.

Mais il apporte réellement

le droit que j'instaure.

4Il ne faiblira pas,

il ne se laissera pas abattre,

jusqu'à ce qu'il l'ait établi

sur l'ensemble du monde,

et que les peuples lointains

attendent ses instructions.

Lumière pour les nations

5Celui qui a créé le ciel

dans toute son étendue,

qui a étalé la terre avec sa végétation,

qui a donné la vie à ses populations

et anime ses habitants,

Dieu, le Seigneur, déclare

à celui qu'il a choisi :

6« Moi, le Seigneur, je t'ai appelé

par fidélité à moi-même.

Je te donne mon appui.

Je t'ai formé pour faire de toi

le garant de mon engagement

envers l'humanité,

la lumière des nations.

7Tu rendras la vue aux aveugles,

tu feras sortir les prisonniers de leur cachot,

tu retireras de leur prison

ceux qui attendent dans le noir. »

8Je suis le Seigneur, tel est mon nom.

Je ne laisse pas à d'autres

la gloire qui me revient,

ni aux idoles l'honneur qui m'est dû.

9Les premiers événements[#42.9 Comparer 41.22 et la note.]

se sont déjà produits ;

j'annonce à présent du nouveau,

et je vous en informe

avant qu'il se produise.

Le Seigneur intervient

10En l'honneur du Seigneur,

Le monde entier chante le Seigneur

(42.10-13)

Le déclin de la puissance babylonienne marquera un nouveau début non seulement pour les exilés de Babylone ou les Judéens, mais pour toutes les nations du monde. C'est pourquoi toutes les populations connues sont invitées à chanter pour le Seigneur. Le prophète a vu juste : Cyrus, le Perse, a vaincu les Babyloniens et, immédiatement, il a autorisé les exilés à rentrer dans leur pays d'origine.

chantez un chant nouveau.

Louez-le depuis le bout du monde,

vous qui parcourez la mer,

vous les êtres qui la peuplez,

et vous les populations lointaines.

11Qu'on entonne des chants

dans les cités du désert,

dans les campements de Quédar !

Que les habitants de la Roche

lancent des cris de joie !

Du sommet des montagnes,

qu'ils manifestent leur enthousiasme !

12Que les populations lointaines

rendent hommage au Seigneur

et le louent haut et fort !

13Comme un soldat d'élite

le Seigneur s'avance ;

comme un homme de guerre

il brûle de combattre.

Il lance un puissant cri de guerre,

un défi à ses ennemis.

Le projet du Seigneur

14Depuis longtemps, je me suis tu,

Le Seigneur donne vie à son peuple

(42.14-17)

Le prophète exprime la ferme conviction que Dieu va ramener son peuple et qu'une nouvelle existence va commencer. Au-delà des circonstances historiques, s'exprime à nouveau la certitude que Dieu est capable d'inverser le cours de l'histoire, et de renouveler la création.

me retenant d'intervenir,

dit le Seigneur.

Mais maintenant, je vais crier

comme une femme au moment d'accoucher,

qui s'essouffle et respire avec peine.

15Je vais nettoyer montagnes et collines,

dessécher toute leur végétation,

changer les fleuves en terre ferme

et assécher les étangs.

16Et je vais guider les aveugles

sur un chemin, sur des sentiers

qu'ils n'avaient jamais suivis.

Pour eux, je changerai

l'obscurité en lumière

et les obstacles en terrain plat.

C'est cela mon projet,

je n'y renoncerai pas, je le réaliserai.

17En arrière, honte à vous

qui vous fiez aux idoles

et qui dites à vos statuettes :

« Nos dieux, c'est vous » !

Un peuple aveugle et sourd

18Vous, les sourds, écoutez bien ;

Un serviteur sourd et aveugle

(42.18-25)

Dans une longue section qui commence ici et se prolonge jusqu'en 44.8, le prophète développe un discours de Dieu adressé à son peuple, soit en « tu », soit en « vous ». Il fait alterner des critiques envers le peuple d'Israël et l'annonce de ce que Dieu va faire pour rétablir l'influence d'Israël au milieu des peuples païens. Reproches et encouragements sont imbriqués.

Le regard se tourne vers le passé récent et les cinquante années d'exil (v. 18-23). Certains sont restés aveugles et sourds devant ces événements dramatiques : ils n'ont pas tiré la leçon de l'histoire. Le prophète leur rappelle combien la loi que le peuple devait suivre est bonne. Il souligne combien Dieu reste fidèle à ses principes et explique la situation présente comme un châtiment de Dieu lié à la désobéissance de son peuple.

vous, les aveugles, ouvrez l'œil.

19Qui se trouve être aveugle,

sinon mon serviteur ?

Et qui donc est sourd

comme le messager que j'envoie ?

– Oui, qui est aveugle

comme l'est le porte-parole de Dieu,

qui est aveugle

comme le serviteur du Seigneur ?

20Il a vu beaucoup de choses,

mais il n'a rien retenu ;

il a une bonne ouïe,

mais il n'a rien entendu.

21Alors, par fidélité à lui-même,

le Seigneur a voulu montrer

combien sa loi est grande et belle :

22et voilà ce peuple pillé et dépouillé.

Voilà tous les siens prisonniers,

enfermés dans des cachots,

traités comme du butin,

comme une bonne prise,

sans que personne s'y oppose,

sans personne pour exiger :

« Rendez-les-moi ! »

23Qui parmi vous va faire attention,

qui va écouter,

qui va entendre désormais ?

24– Qui donc a livré Israël,

le peuple de Jacob,

à ceux qui le dépouillaient,

à ceux qui le pillaient ?

N'est-ce pas le Seigneur

envers qui nous étions coupables ?

Israël n'a pas voulu suivre

la voie que son Dieu lui traçait,

il n'a pas écouté sa loi.

25C'est pourquoi le Seigneur

a déversé sur son peuple

son ardente colère

et la violence de la guerre.

Celle-ci l'a entouré de flammes,

mais Israël n'a rien compris ;

elle a été jusqu'à le brûler,

mais il n'y a pas réfléchi.

Société biblique française – Bibli'O, 2004
Published by: French Bible Society