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1Mais maintenant, je suis tourné en ridicule
La plainte de Job est scandée par un triple « maintenant » (30.1916) qui souligne le contraste entre la misère d'aujourd'hui et le bonheur de jadis.
L'attitude de Job à l'égard des plus malheureux a radicalement changé. S'il n'est plus leur porte-parole devant Dieu (24.1-12) c'est parce que ces miséreux ont trouvé en Job un plus misérable qu'eux et se sont retournés contre lui.
par des petits jeunots.
Leurs pères autrefois m'auraient paru indignes
de figurer parmi les chiens de mon troupeau.
2Et d'ailleurs, que pouvais-je attendre de ces gens
à la force mourante ?
3Épuisés par la faim et par les privations,
ils cherchaient quelque chose à ronger dans la steppe,
sombre région de ruine et de désolation.
4Ils recueillaient l'herbe salée près des buissons,
ils se nourrissaient des racines du genêt.
5Chassés par tout le monde,
poursuivis à grands cris comme des malfaiteurs,
6ils cherchaient un abri sur les flancs des ravins,
dans les trous de la terre ou les creux des rochers.
7Ils étaient entassés à couvert sous les ronces,
on entendait leurs cris au milieu des buissons :
8Des espèces de fous, des êtres innommables,
qu'on chassait du pays à grands coups de bâton !
9Mais maintenant je suis un thème de chansons,
me voilà devenu sujet de racontars.
10Ils s'éloignent de moi pour marquer leur dégoût,
L'entourage de Job ne se contente plus de le lapider avec des mots blessants. Il passe à l'attaque. Cet assaut que Job attribuait à Dieu et ses armées (6.1-1316.7-1720.22-29), il l'attribue maintenant à la foule des gens hostiles. Ils agissent ainsi car ils ont bien compris que la misère de Job est le résultat d'une punition divine. Pour Job, Dieu se trouve donc complice du comportement de cette foule d'hommes violents.
ou bien, sans se gêner, me crachent au visage.
11Dès lors que Dieu m'a affaibli et humilié,[#30.11 Une autre tradition textuelle juive a lu]
ils n'ont plus envers moi la moindre retenue !
12Pour m'accuser, une foule de gens se lèvent,[#30.12 ou : voir Ps 109.6 ; Zach 3.1. – : le terme hébreu correspondant ne se trouve pas ailleurs ; autres traductions parfois proposées : (de vipères ?) ou]
cherchant à me faire tomber d'un croche-pied.
Ils lancent contre moi leur assaut pour me perdre.
13Ils m'ont coupé toute retraite,
chacun travaille à mon malheur,
aucun d'entre eux n'a besoin d'aide.
14Ils pénètrent chez moi par une large brèche
et se glissent vers moi à travers les décombres.
15Toutes sortes de terreurs me prennent pour cible,
balayant ma dignité comme un coup de vent ;
mon bonheur a été un nuage qui passe.
16Enfermé maintenant dans ce temps de misère,
Job sent que sa mort est imminente. Sa description de l'acharnement de Dieu contre lui rappelle les plaintes du début du livre (9.30-3116.12). Les images de poussière et de cendre évoquent le deuil et la mort (4.1910.9). On se souvient que Job est assis au milieu d'un tas de cendres (2.8).
il ne me reste plus qu'à exprimer ma plainte.
17La nuit, les douleurs me transpercent jusqu'à l'os,
elles me rongent sans m'accorder de repos.
18Dieu a saisi brutalement mon vêtement,[#30.18 D'après l'ancienne version grecque ; texte hébreu traditionnel]
il me serre le cou comme un col trop étroit,
19me jette dans la boue ;
on dirait que je suis de poussière et de cendre.
20Mon Dieu, je t'appelle, mais tu ne réponds pas ;
Dans cette ultime discussion avec Dieu, Job lui reproche sa cruauté. Chaque fois que la Bible mentionne que Dieu « chevauche les nuages » c'est pour indiquer qu'il va délivrer les siens (Deut 33.26Ps 68.5És 19.1). Or, l'image est transformée : le cavalier n'est plus Dieu seul, mais Dieu et Job ; en outre, la chevauchée, loin d'être bénéfique, conduit Job à la mort. C'est pourquoi la guitare et la flûte ne sont plus employées pour la musique joyeuse (21.12), mais pour le deuil.
Cette espérance déçue ne risque-t-elle pas de se transformer en négation de l'existence de Dieu ?
je me tiens devant toi, mais ton regard me perce.
21Te voilà devenu cruel à mon égard,
tu mets toute ta force à t'acharner sur moi.
22Tu m'emportes au grand galop avec le vent,
et la tempête me secoue dans tous les sens.
23Je le sais bien, tu me ramènes chez la mort,
ce lieu de rendez-vous fixé à tout vivant.
24Mais quand tout est ruiné, ne tend-on pas la main ?
Dans la détresse, n'appelle-t-on pas à l'aide ?
25N'ai-je pas pleuré sur ceux que la vie malmène ?
Le sort des malheureux m'a toujours tourmenté !
26J'espérais du bonheur, mais j'ai eu le malheur ;
j'attendais la lumière, et la nuit est venue.
27L'émotion ne cesse de bouillonner en moi
depuis que j'affronte cette vie de misère.
28Je marche dans le deuil ; pas de soleil pour moi !
En plein public je lance des appels à l'aide.
29Par mes lugubres cris, me voilà devenu
compagnon des chacals et frère des hiboux.
30Sur moi, ma peau noircit,
au plus profond de moi, la fièvre me dévore.
31Ma guitare ne joue que des airs pour le deuil,[#30.31 : l'instrument de musique dont parle Job est mal connu, bien qu'il soit mentionné plusieurs fois dans l'AT. La traduction proposée ici est donc approximative ; voir Ps 150.3 et la note.]
ma flûte ne soutient que le chant des pleureurs.