2 Samuel 14

Le retour d'Absalom à Jérusalem

1Joab, fils de Tserouya, sut que le cœur du roi était porté vers Absalom.[#14.1 2.13. – on interprète généralement ce verset en conformité avec le sens habituellement retenu pour 13.39 ; mais on pourrait aussi aller dans le sens de la variante proposée en 13.39 et traduire le roi était hostile à Absalom . L'intervention de Joab viserait donc à amener le roi à changer d'attitude.]

2Il envoya chercher à Teqoa une femme sage et lui dit : Mets-toi en deuil, je te prie : revêts des habits de deuil, ne te parfume pas, sois comme une femme qui porte depuis longtemps le deuil d'un mort.[#14.2 localité située à 15 km environ au sud de Jérusalem ; patrie du prophète Amos (Am 1.1). – ou habile, avisée ; cf. v. 20 ; 20.16. – litt. ne te frotte pas avec de l'huile ; cf. 12.20.]

3Tu iras ainsi vers le roi et tu lui parleras de telle et telle manière – Joab l'instruisit de ce qu'elle devait dire.[#14.3 litt. comme cette parole . – litt. mit dans sa bouche, c.-à-d. lui dicta.]

4La femme teqoïte alla parler au roi. Elle tomba face contre terre, prosternée, et dit : O roi, sauve-moi ![#14.4 de Teqoa. – litt. dit au roi, mais certains mss portent vint chez le roi . – cf. 9.6 ; 1S 25.23. – litt. sauve ; cf. 2R 6.26.]

5Le roi lui dit : Qu'as-tu ? Elle répondit : Hélas, je suis veuve, mon mari est mort ![#14.5 Les v. 5-7 constituent une sorte de parabole analogue à celle de 12.1-4 ; David s'y implique fortement, alors même qu'il croyait prendre une décision qui ne le concernait pas directement. – cf. 2R 4.1.]

6J'avais deux fils, ils se sont querellés tous les deux dans la campagne, et il n'y avait personne pour les séparer ; l'un a frappé l'autre à mort.[#14.6 Cf. 13.28s ; Gn 4.8 ; 27.41-45.]

7Alors tout le clan s'est dressé contre moi, en disant : « Livre celui qui a abattu son frère ! Nous le mettrons à mort, pour la vie de son frère qu'il a tué ; nous le ferons disparaître, lui, l'héritier ! » Ils éteindraient ainsi le tison qui me reste, pour ne laisser à mon mari ni nom ni reste sur la terre.[#14.7 cf. Gn 9.5s ; Dt 19.11-13. – autres traductions même s'il est l'héritier ; et du même coup nous ferons disparaître l'héritier . Ces mots trahissent peut-être les motifs intéressés des justiciers, qui espèrent qu'ainsi l'héritage du père reviendra à l'ensemble du clan (cf. Mt 21.38). Tout Israélite, comme signe de sa participation à , possédait une portion du territoire national. – ou la braise (cf. 22.9,13) : image de l'existence, menacée, du fils survivant ; cf. Es 42.3 ; Mt 12.20. – autre traduction dans le pays.]

8Le roi dit à la femme : Rentre chez toi. Je donnerai des ordres à ton sujet.[#14.8 ou va dans ta maison.]

9La femme teqoïte dit au roi : Sur moi la faute, ô roi, mon seigneur, et sur la maison de mon père ! Que tu en sois innocent, toi et ton trône.[#14.9 c.-à-d. de Teqoa, v. 2,4. – si le meurtrier est épargné, la loi n'est pas appliquée avec toute sa rigueur (cf. Nb 35.16-21,31) ; la femme, jouant son rôle avec habileté, déclare être prête à assumer elle-même la responsabilité de cette situation. – la même formule est simplement traduite par ô roi dans la suite (v. 12,15,17,19). – ou ne sois pas tenu pour responsable (d'une non-application de la loi) . – signifie ici l'institution royale.]

10Le roi dit : Si quelqu'un parle contre toi, amène-le-moi, et il ne s'en prendra plus à toi.[#14.10 litt. il ne te touchera plus.]

11Elle dit : Souviens-toi, je t'en prie, ô roi, du Seigneur , ton Dieu, afin que le rédempteur du sang n'augmente pas la ruine, et qu'on ne fasse pas disparaître mon fils ! Et il dit : Par la vie du Seigneur , il ne tombera pas à terre un seul cheveu de ton fils ![#14.11 le verbe hébreu correspondant implique quelque chose de plus qu'un effort de mémoire ; il s'agit de faire mention du nom du , dans une formule de serment qui engage très sérieusement son auteur ; cf. 1S 24.22+. – Le était le parent proche d'une victime, qui avait le droit et le devoir de mettre à mort le meurtrier (Nb 35.12 ; Dt 19 ; Jos 20). – c.-à-d. ne continue pas le massacre . – cf. 1S 14.39. – 1S 14.45+.]

12La femme dit : Laisse-moi te dire un mot, je t'en prie, ô roi. Et il dit : Parle ![#14.12 Par ces mots, la femme prépare le roi à passer de la fiction (le cas de son fils) à la réalité (le cas d'Absalom).]

13Elle dit : Pourquoi alors as-tu cette attitude à l'égard du peuple de Dieu, puisqu'il résulte de tes paroles mêmes que tu as tort de ne pas faire revenir celui que tu as banni ?[#14.13 après la mort d'Amnon, fils aîné de David, c'est Absalom qui est l'héritier du trône ; si David ne le fait pas revenir, c'est l'avenir même d'Israël qui est en jeu (on ignore ce qu'était devenu Kiléab, deuxième fils de David, selon 3.3). – le chap. 13 ne parle pas d'un bannissement par David, mais de la fuite volontaire d'Absalom ; cependant, le résultat est le même, et seul le pardon de David peut mettre fin à l'exil du meurtrier.]

14Mortels, nous mourons, comme de l'eau répandue à terre ne se rassemble plus. Mais Dieu n'ôte pas la vie, et il a conçu des plans pour que celui qui est banni loin de lui ne le reste pas.[#14.14 Le texte hébreu de ce v. est peu clair et le sens en est incertain. L'idée générale semble être que tout le monde doit mourir un jour, disparaître comme l'eau qu'on répand à terre . – c.-à-d. : il ne veut pas la mort d'Absalom, il veut au contraire qu'il revienne de son exil pour assumer sa fonction lorsqu'il en sera temps. D'autres comprennent Dieu ne relève pas un mort, c.-à-d. : il ne va pas ramener Amnon à la vie, c'est pourquoi il faut qu'Absalom revienne d'exil.]

15Maintenant, ô roi, si je suis venue te dire cela, c'est que le peuple m'a effrayée. Alors j'ai dit : Je vais parler au roi ; peut-être le roi fera-t-il ce que, moi, sa servante, je dirai.[#14.15 le mot semble avoir ici un sens très vague, des gens ou on ; la femme ne veut pas dévoiler l'identité de celui qui l'a envoyée.]

16Oui, le roi m'écoutera et me délivrera de la main de l'homme qui veut me faire disparaître, avec mon fils, du patrimoine de Dieu.[#14.16 (même verbe v. 7,11) la mise à mort du second fils marquerait la fin de la lignée familiale, et préfigurerait donc la fin de la mère elle-même ; il n'y aurait plus de place pour eux au sein du peuple de Dieu (= le voir 1S 10.1).]

17J'ai dit : Que ta parole, ô roi, soit source d'apaisement, je t'en prie ! Car tu es comme un messager de Dieu, pour ce qui est d'entendre le bon et le mauvais. Que le Seigneur , ton Dieu, soit avec toi ![#14.17 (litt. de repos ), c.-à-d. qu'elle mette fin au cycle infernal des morts successives ; cf. Es 32.17 ; Ps 72.1-7. – (ou ) cf. v. 20 ; 19.28 ; 1S 29.9. – c.-à-d. capable de distinguer le bon et le mauvais, et donc de juger avec impartialité, cf. 1R 3.9,28. – pour t'aider dans ce discernement.]

18Le roi dit à la femme : Je vais te demander quelque chose. Ne me cache rien ! La femme dit : Parle, je te prie, ô roi, mon seigneur ![#14.18 cf. Ec 8.2-4.]

19Le roi dit alors : N'y aurait-il pas du Joab dans tout cela ? La femme répondit : Par ta vie, ô roi, on ne peut pas t'induire en erreur. C'est en effet Joab, ton serviteur, qui m'a donné des ordres et qui a placé toutes ces paroles dans ma bouche.[#14.19 litt. la main de Joab est-elle avec toi dans tout cela ? c.-à-d. c'est bien Joab qui agit au travers de ton intervention, n'est-ce pas ? – cf. 1S 1.26. – litt. aller à droite ou à gauche de ce que dit mon seigneur le roi ; autres traductions ce que tu dis correspond exactement à la réalité ; malheur à celui qui s'écarte de ce que tu dis . – c.-à-d. qui m'a dicté tout ce que je devais dire.]

20C'est pour changer le cours des événements que ton serviteur Joab a fait cela. Mais toi, mon seigneur, tu es aussi sage qu'un messager de Dieu, pour connaître tout ce qui se passe sur la terre.[#14.20 autre traduction faire apparaître l'affaire sous un autre jour, litt. retourner la face de la parole ou de la chose . – ou pour comprendre ; cf. 18.13 ; Pr 25.2. – ou dans le pays.]

21Le roi dit à Joab : Je veux bien faire cela ; va, ramène le jeune Absalom.[#14.21 certains mss portent voilà donc ce que tu as fait.]

22Joab tomba face contre terre, prosterné, et bénit le roi. Puis il dit : Je sais aujourd'hui que j'ai trouvé grâce à tes yeux, ô roi, mon seigneur, puisque tu as agi selon ma parole.[#14.22 v. 4. – a ici, comme parfois ailleurs, le sens de remercia . – cf. 1S 16.22.]

23Joab partit pour Gueshour et ramena Absalom à Jérusalem.[#14.23 litt. se leva et partit, de même en 15.9. – cf. 13.38.]

24Mais le roi dit : Qu'il se retire chez lui et qu'il ne paraisse pas en ma présence. Alors Absalom se retira chez lui et ne parut pas en la présence du roi.[#14.24 litt. qu'il ne voie pas ma face (de même aux v. 28,32) ; Absalom n'est pas admis à venir se présenter devant le roi son père ; cf. Ex 10.28.]

David se réconcilie avec Absalom

25Il n'y avait pas dans tout Israël d'homme aussi beau ni aussi comblé d'éloges qu'Absalom : depuis les pieds jusqu'au crâne il n'y avait en lui aucun défaut.[#14.25 comme Saül (voir 1S 9.2) et David lui-même (1S 16.18) ; cf. Ps 45.3.]

26Lorsqu'il se rasait la tête – il se la rasait chaque année, parce que sa chevelure lui pesait – le poids de ses cheveux était de deux cents sicles, selon le poids royal.[#14.26 La construction de la phrase est assez lourde en hébreu, mais le sens général est clair. – litt. à la fin de jours aux jours, expression dont le sens précis n'est pas assuré ; on a aussi interprété à la fin de chaque mois . – litt. elle était lourde sur lui . – environ 2 kg ; la précision indique la coexistence, à certaines époques, de divers systèmes de poids et , qu'il reste difficile d'identifier aujourd'hui avec certitude.]

27Il naquit d'Absalom trois fils et une fille nommée Tamar, qui devint une belle femme.[#14.27 selon d'autres traditions, Absalom n'avait pas de fils (voir 18.18), mais une fille qui s'appelait Maaka (1R 15.2).]

28Absalom resta deux ans à Jérusalem, sans paraître en la présence du roi.[#14.28 litt. sans voir la face du roi ; cf. v. 24.]

29Il fit demander Joab pour l'envoyer auprès du roi ; mais Joab ne voulut pas venir le voir. Il le fit encore demander une deuxième fois ; mais Joab ne voulut toujours pas venir.[#14.29 Absalom insiste pour que Joab reprenne son rôle d'intermédiaire entre lui et son père.]

30Absalom dit alors à ses hommes : Regardez, la parcelle de Joab est à côté de la mienne ; il y a là de l'orge ; allez y mettre le feu. Les hommes d'Absalom mirent le feu au champ.[#14.30 litt. à côté de moi . – cf. Jg 15.4s. , partiellement appuyée par un ms hébreu de , ajoute : Les serviteurs de Joab vinrent vers lui, les vêtements déchirés, et dirent : Les hommes d'Absalom ont mis le feu à la parcelle.]

31Joab vint trouver Absalom chez lui. Il lui dit : Pourquoi tes hommes ont-ils mis le feu à la parcelle qui m'appartient ?

32Absalom répondit à Joab : Je t'avais fait dire : « Viens ici, et je t'enverrai dire au roi de ma part : “Pourquoi suis-je revenu de Gueshour ? Mieux vaudrait pour moi que j'y sois encore.” Maintenant je désire paraître en la présence du roi ; et s'il y a une faute en moi, qu'il me fasse mettre à mort. »[#14.32 cf. v. 24. – cf. 1S 20.8. – cf. 1S 20.8 ; Ac 25.11.]

33Joab se rendit chez le roi et lui dit tout cela. Puis il appela Absalom, qui se rendit chez le roi et se prosterna devant lui, face contre terre. Le roi embrassa Absalom.[#14.33 autre traduction le roi fit appeler Absalom, qui se rendit chez lui… – cf. v. 4. – c'est le baiser de la réconciliation ; cf. 15.5 ; 19.40 ; Gn 33.4 ; 45.14s.]

Nouvelle Bible Segond © Société biblique française-Bibli'O, 2002 Première édition de la Bible d’étude : sous la direction de Henri Blocher, Jean-Claude Dubs†, Mario Echtler†, Jean-Claude Verrecchia, coordination Didier Fougeras.
Published by: French Bible Society