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1Du cœur de la tempête, le Seigneur interpella Job et lui demanda :
Contre toute attente, Dieu honore Job de sa présence. Mais en guise de réponse, il ne formule que des questions. Tout tourne autour de son plan que Job a obscurci. Le mot « plan » se rapporte à l'action de Dieu dans la création et l'histoire.
2Qui es-tu pour oser rendre mes plans obscurs
à force de parler de ce que tu ignores ?
3Tiens-toi prêt, sois un homme :
je vais t'interroger, et tu me répondras.
Selon la tradition biblique, Dieu habite dans son temple. Or, ce récit affirme que le monde a été créé comme un temple cosmique. C'est ce qu'indiquent les verbes « fonder », « fixer », « appuyer » et les substantifs « dimension », « cordeau », « socle » et « pierre d'angle » : autant de mots utilisés pour décrire la construction du temple de Jérusalem (1 Rois 6–7Ézék 40–47).
L'achèvement du temple cosmique, décrit depuis le v. 4, est célébré par des chants et des cris de joie, exactement comme l'achèvement du temple de Jérusalem (Esd 3.10-12Zach 4.7). Ici, la louange est céleste : les étoiles du matin, associées aux anges, chantent en chœur.
Le message de ce texte ancien demeure actuel et pertinent : l'affinité entre l'être humain et la création est si profonde qu'ils sont tous deux solidaires dans la prière.
4Où donc te trouvais-tu quand je fondais la terre ?
Dieu invite Job à se mesurer aux divers aspects de la création. Il le place d'abord devant sa finitude temporelle : la terre et le ciel ont été fondés avant lui et sans lui. Puis, Job est placé devant ses limites spatiales : il n'a pu se rendre aux sources de la mer, ni explorer le fond de l'océan, ni franchir les portes du royaume de la mort, ni parvenir jusqu'aux dépôts de neige et de grêle. De nombreuses questions rhétoriques soulignent ironiquement l'ignorance et l'impuissance de Job. Appelé ainsi à découvrir sa propre fragilité au sein d'un vaste univers, Job est invité à reconnaître que son bilan sur l'ordre du monde n'est pas recevable (3.1-26). Loin d'être chaotique, l'univers entier est ordonné puisque tous les éléments obéissent aux ordres de Dieu. Dieu reproche donc à Job son incompétence, mais jamais sa culpabilité ou sa mauvaise volonté.
Renseigne-moi, si tu connais la vérité :
5Qui a fixé ses dimensions, le sais-tu bien ?
Et qui l'a mesurée en tirant le cordeau ?
6Sur quel socle s'appuient les piliers qui la portent ?
Et qui encore en a placé la pierre d'angle,
7quand les étoiles du matin chantaient en chœur,
quand les anges de Dieu lançaient des cris de joie ?
8Qui a fermé la porte aux flots de l'océan,
Dieu contrôle l'océan, qui incarne les forces du chaos (7.12), donc rien n'échappe à sa volonté, en opposition avec la description du monde brossée par Job.
quand il naissait en jaillissant des profondeurs ?
9Moi ! Et je l'ai alors habillé de nuages,
quand je l'enveloppais dans un épais brouillard.
10J'ai cassé son élan, marqué une limite
en plaçant devant lui une porte barrée.
11Je lui ai déclaré :
« Tu iras jusqu'ici, n'avance pas plus loin ;
oui, tes flots orgueilleux s'arrêteront ici ! »
12Une fois dans ta vie, as-tu donné des ordres
Chaque matin, Dieu recrée l'ordre du monde : il ordonne au jour de se lever, et met ainsi fin aux actions des méchants à qui la nuit est indispensable (24.13-17). Contrairement à ce que Job avait affirmé, Dieu ne favorise donc pas les projets des méchants (10.3).
au jour pour qu'il se lève ?
Et as-tu désigné à l'aurore son poste,
13pour lui faire saisir la terre par les bords
afin d'en secouer les gens sans foi ni loi ?
14La terre prend alors une teinte rosée
comme l'argile où l'on appose les cachets ,
et toute la nature en paraît habillée.
15Mais les méchants se voient privés de leur lumière ;[#38.15 Les méchants ne sont à l'aise que dans la nuit. Celle-ci est pour eux l'équivalent de la pour les gens normaux. Même genre d'ironie en 24.17.]
le bras qui se levait pour frapper est brisé.
16T'es-tu déjà rendu aux sources de la mer
et as-tu exploré le fond de l'océan ?
17Les portes de la Mort t'ont-elles été montrées,
as-tu vu cette entrée du royaume des ombres ?
18T'es-tu fait une idée des dimensions du monde ?
Renseigne-moi, si tu connais toutes ces choses.
19Sais-tu de quel côté habite la lumière,
à quelle adresse on peut trouver l'obscurité ?
20Tu irais les chercher jusque dans leur domaine,
si tu comprends vraiment comment on va chez elles.
21Tu dois bien le savoir,
toi qui as vu le jour il y a si longtemps !
22Es-tu allé déjà jusqu'aux dépôts de neige,
ou encore as-tu vu les provisions de grêle ?
23Je les ai réservés pour les temps de désastre,
pour les jours de combat, pour le temps de la guerre.
24Sais-tu par quel chemin nous parvient la lumière,
et par où le vent d'est se répand sur la terre ?
25Qui a tracé au ciel un passage à la pluie ?
L'extrême importance de l'eau est bien illustrée par Élifaz qui considère la pluie comme un don de Dieu (5.10). Dieu est l'auteur des nuages et de la pluie : c'est donc lui qui féconde le sol (28.2637.6). Or, ce qui est reçu comme un don précieux pour les êtres humains est aussi donné au désert, là où il n'y a personne (v. 26). Même le désert, cette région de ruine et de désolation (30.3), bénéficie de la sollicitude divine. La bonté créatrice ne concerne pas seulement l'humanité. Job est invité à constater que la création, organisée sans lui, n'est pas pour lui seul. Elle peut être pure gratuité. L'être humain n'est donc pas la mesure de toute chose.
Qui a ouvert la route au nuage qui tonne ?
26Qui fait pleuvoir sur une terre inhabitée,
sur un pays désert, où il n'y a personne,
27pour gorger d'eau un sol privé de toute vie,
pour y faire germer et pousser du gazon ?
28La pluie a-t-elle un père ?
Les gouttes de rosée, qui les a engendrées ?
29De quelle mère est née la glace ?
Le givre, qui l'a mis au monde ?
30Quand il gèle, l'eau devient dure comme pierre,
la surface des flots se prend en un seul bloc.
31Vois les constellations :
Peux-tu nouer le lien qui maintient les Pléiades,
dénouer les cordes qui retiennent Orion,
32faire apparaître à temps les signes du zodiaque,[#38.32 Autres traductions d'un terme unique en hébreu et de sens incertain ou ou la constellation de]
conduire la Grande Ourse avec tous ses petits ?
33Sais-tu à quelles lois le ciel doit obéir ?
Est-ce à toi de régler leur action sur la terre ?
34Suffit-il que tu cries tes ordres aux nuages
pour qu'une masse d'eau vienne te recouvrir ?
35Est-ce toi qui envoies les éclairs quand ils partent ?
Te disent-ils alors : « Nous voici à tes ordres » ?
36Qui a fait de l'ibis l'oiseau plein de sagesse ?
Qui a donné au coq l'art du discernement ?
37Qui est assez expert pour compter les nuages
et pour vider les cruches d'eau qui sont au ciel,
38quand la croûte du sol se durcit comme un bloc,[#38.38 Autre interprétation]
quand les mottes de terre se collent ensemble ?
39Est-ce à toi de chasser une proie pour la lionne ?[#38.39 Dans certaines éditions, le chapitre 39 commence avec ce verset. En conséquence 38.39-41 y est numéroté 39.1-3, et 39.1-30 y est numéroté 39.4-33.]
Dieu continue de critiquer Job qui a obscurci ses plans. Job avait comparé Dieu à un lion en train de le chasser (10.16). Il avait rapproché sa vie misérable de celle d'un âne sauvage (6.524.5) et sa plainte des cris des autruches (30.29). Pour faire réfléchir Job, Dieu se présente maintenant comme celui qui gouverne tous les animaux.
Les animaux énumérés dans ce récit ont un point commun : ils sont tous, d'une manière ou d'une autre, liés aux forces du chaos et de la mort. Les lions représentent les méchants (4.10-11Ps 22.1422). L'autruche est un oiseau impur, à la bêtise proverbiale (Lév 11.16 ; Lam 4.3). Avec le corbeau et d'autres démons, elle habite les ruines (És 13.2134.11-14). L'âne sauvage, indocile, habite le désert. Le buffle représente la force maléfique (Ps 22.22És 34.7). L'épervier est un oiseau impur car, comme le vautour, il se nourrit de cadavres humains (Deut 14.15Prov 30.17Mich 1.16). Le cheval est un animal de guerre (És 31.3). C'est pourquoi, au temps du salut, il disparaîtra (Zach 9.10) et le roi-messie de la fin des temps montera un âne (Zach 9.9).
Dieu ne nie pas la présence du mal. Mais en rappelant qu'il est le maître des animaux qui représentent les forces du chaos et de la mort, il affirme que tout est sous son contrôle. La comparaison de Dieu à un lion en train de chasser Job (10.16) est donc dépourvue de sens. Loin d'être complice du mal, Dieu lui impose des limites. En outre, ce monde animal échappe à la domination des êtres humains (comparer Gen 1.26-28).
Est-ce à toi d'apaiser l'appétit des lionceaux,
40quand ils sont accroupis au fond de leur tanière
ou qu'ils se tiennent à l'affût dans les fourrés ?
41Et qui prévoit, pour le corbeau, sa nourriture,
quand ses petits appellent Dieu à leur secours
et qu'ils sont affaiblis, faute de quoi manger ?