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1Eh bien, puisque la vie me donne la nausée,
Une fois de plus, Job emprunte le langage de la prière pour se déclarer innocent et reprocher à Dieu d'avoir un comportement injuste. L'absurdité est justement là : si Dieu n'est limité ni dans son savoir ni dans son pouvoir, pourquoi se comporte-t-il ainsi ? Serait-ce qu'il n'est pas bon ? L'interrogation de Job rejoint celle des philosophes. En effet, à la question « pourquoi la souffrance ? », la réponse philosophique n'a guère varié : ou Dieu ne peut rien faire contre la souffrance, mais alors est-il vraiment tout-puissant ? Ou Dieu n'avait pas prévu qu'il y aurait de la souffrance, mais alors est-il encore omniscient ? Ou il ne veut pas la supprimer, mais alors est-il encore bon ? On peut lire l'argumentation de Job comme une incitation à sacrifier une des trois propositions. On ne peut tenir les trois ensemble.
La souffrance motive souvent l'athéisme. Or, Job nous invite à être pour ou contre Dieu, mais jamais sans Dieu.
je ne retiendrai pas mes plaintes plus longtemps ;
je ne me tairai pas, tant j'ai le cœur amer.
2Je dirai donc à Dieu : ne me condamne pas,
fais-moi plutôt savoir ce que tu me reproches.
3Cela sert-il ton but de me faire du mal,
en méprisant ainsi ton pénible travail
et en favorisant les projets des méchants ?
4Ne vois-tu rien de plus que ce que voient les hommes ?
Ton point de vue n'est-il qu'un point de vue terrestre ?
5Ta vie serait-elle aussi brève que la nôtre,
se limiterait-elle à aussi peu d'années ?
6Pourquoi donc cherches-tu à connaître mes torts,
et pourquoi t'efforcer de découvrir ma faute ?
7Pourtant, tu le sais bien, je ne suis pas coupable
et je n'ai aucune chance de t'échapper.
8Tes propres mains m'ont fait, elles m'ont façonné,
Le discours de Job n'est plus ici une provocation, mais clairement une prière beaucoup plus positive, portée par la foi au Dieu qui lui a accordé la grâce de naître et de vivre. Job rappelle Dieu à ses responsabilités de créateur.
elles m'ont entouré, et tu veux me détruire !
9Tu m'avais modelé comme un objet d'argile,
veuille t'en souvenir
avant de me réduire à l'état de poussière.
10Un jour, tu m'as formé dans le corps de ma mère,
comme on verse du lait et qu'on le fait cailler.
11Tu m'as alors vêtu de muscles et de peau,
tu as fait de moi un tissu d'os et de nerfs.
12Puis tu m'as accordé la grâce de la vie,
et tu t'es occupé de me la conserver.
13Or tu as un secret, que tu veux me cacher.
La souffrance de Job est augmentée par le sentiment que l'action de Dieu est arbitraire. Cette hostilité injustifiable du créateur dément sa bonté et réduit la vie à une absurdité. C'est pourquoi Job regrette d'être né, mais puisqu'il est là, vivant, il réclame un peu de répit avant de mourir. Cette tension entre le désir de vivre et celui de mourir n'est-elle pas fréquente chez ceux qui souffrent ?
Mais je n'ignore pas le fond de ta pensée :
14me prendre sur le fait dès que je suis en faute,
et ne pas m'acquitter si je me mets en tort.
15Alors tant pis pour moi, si je me rends coupable !
Même innocent, je dois rester la tête basse,
et je suis soûl de honte, ivre de ma misère.
16Mais dès que je lève la tête, te voilà
qui reprends la chasse contre moi, tel un fauve,
m'écrasant à nouveau de ta toute-puissance !
17Tu lances contre moi un assaut après l'autre,
tu laisses ta fureur redoubler envers moi,
et tu jettes sur moi des troupes toujours fraîches.
18Pourquoi m'as-tu tiré du ventre de ma mère ?
J'aurais pu y mourir à l'abri des regards,
19et je serais allé tout droit jusqu'à la tombe,
comme si je n'avais jamais eu d'existence.
20Je n'ai plus maintenant que peu de temps à vivre.
Cesse donc tes attaques, laisse-moi enfin
jouir tranquillement de ce peu qui me reste.
21Bientôt je partirai, sans espoir de retour,
au pays recouvert de l'ombre la plus sombre,
22au pays où la nuit règne sur le désordre,
où l'aurore elle-même est d'un noir absolu.