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1Job répondit alors :
Les amis de Job sont venus pour le consoler (2.11), mais ils ignorent la différence entre discourir sur la souffrance d'autrui et s'exprimer à partir de sa propre souffrance. Dans quelle mesure celui qui n'a jamais souffert peut-il convenablement parler de la souffrance ? Certes, Job reconnaît que parler ou se taire ne change rien à sa souffrance, mais il refuse de se résigner comme ses visiteurs.
2J'ai entendu cent fois ce genre de discours.
Quels pénibles consolateurs vous êtes tous,
vous qui me demandez :
3« Quand verra-t-on la fin de ces paroles creuses ? »
ou « Quel tourment te pousse à répliquer ainsi ? »
4Si vous étiez à ma place et moi à la vôtre,
je pourrais moi aussi m'exprimer comme vous,
je ferais contre vous un discours très brillant,
je hocherais la tête en signe de pitié,
5je vous rendrais courage à force de parler,
mes propos empressés mettraient fin à vos maux.
6Mais quand je veux parler, ma douleur n'est pas moindre,
Job compare Dieu à un fauve (16.9) qui montre les dents et le présente comme un méchant (Ps 35.1637.12). Lorsqu'il décrit Dieu comme un guerrier, Job n'évoque pas son rôle de sauveur, mais se plaint de sa brutalité injustifiée. Job a le sentiment que Dieu s'acharne sur lui, le saisit par la nuque et l'écrase par terre. Face à cette violence inexplicable, Job garde le front plongé dans la poussière. C'est une attitude de deuil (Jér 6.26) et non de repentir, car Job continue à proclamer son innocence.
et si je veux me taire, elle ne s'en va pas.
7C'est qu'en réalité Dieu a usé mes forces,
il a exterminé tous ceux qui m'entouraient.
8Les rides qu'il m'a faites en sont les témoins,
ma maigreur m'accuse et me déclare coupable.
9Dans sa fureur, Dieu me choisit comme sa proie,
il me poursuit, me montre des dents menaçantes ;
lui, mon ennemi, me transperce du regard.
10Les gens ouvrent la bouche pour me menacer,
me frappent sur les joues et me couvrent d'insultes,
se forment en bande, s'attroupent contre moi.
11Dieu m'a livré au pouvoir de jeunes voyous,
il m'a laissé aux mains de gens sans foi ni loi.
12Dieu est venu troubler la paix où je vivais,
il m'a saisi la nuque, il m'a jeté à terre,
et il a fait de moi la cible de ses flèches ;
13elles volent autour de moi de toutes parts.
Il transperce mes reins sans la moindre pitié ;
la bile de mon foie se répand sur la terre.
14Comme un guerrier, il se précipite sur moi,
me frappe et m'inflige blessure après blessure.
15Le vêtement de deuil ne quitte plus ma peau,
et je garde le front plongé dans la poussière.
16A force de pleurer, j'ai les yeux tout rougis
et cernés par une ombre.
17Pourtant, mes mains n'ont pas trempé dans la violence
et ma prière n'a pas cessé d'être pure.
18Terre, je perds mon sang, ne le recouvre pas ;
Le sang versé crie vengeance vers Dieu tant qu'on ne l'a pas recouvert de terre (Gen 4.10). Comme le sang d'Abel, celui de Job appelle le châtiment, mais si Dieu veut punir le criminel, il devra se punir lui-même. Job espère l'intervention d'un témoin céleste, mais il a reconnu qu'il ne pouvait y avoir d'arbitre entre lui et Dieu (9.33-35) ; il ne lui reste qu'une seule issue : en appeler à Dieu contre Dieu (14.13-17). Pour Job, Dieu est à la fois le criminel, le juge et le témoin. La prière confiante côtoie ainsi l'accusation violente ; Job n'a d'autre recours que de prendre pour confident ce Dieu qui est absent, et pour protecteur ce Dieu qui le persécute. De la révolte peut jaillir la prière (Ps 22.2-3103.1-5).
que ma protestation soit partout entendue !
19Car j'ai dès maintenant un témoin dans le ciel ,
oui, j'ai quelqu'un là-haut qui témoigne pour moi.
20Tandis que mes amis me traitent sans respect,
je regarde vers Dieu, les yeux remplis de larmes.
21Ah ! que mon témoin arbitre entre Dieu et moi,
comme on le fait sur terre entre un homme et un autre !
22Oui, qu'il intervienne, car mes jours sont comptés,
je pars sur un chemin d'où l'on ne revient pas.