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1Job répondit alors :
Bildad adoptait un ton juridique pour affirmer que Dieu est un juste juge (8.3). Job reconnaît que nul ne peut avoir raison contre Dieu. Il admet que nul ne peut l'interroger, pas même Rahab, ce monstre mythique du chaos primordial vaincu par le Créateur (Ps 89.10-11). Néanmoins, il accuse Dieu d'agir de façon arbitraire et disproportionnée. Le mot clé, au v. 17, est « pour un motif insignifiant ». Bien sûr, Job ignore que cette souffrance gratuite et absurde rappelle le « gratuitement » qui a fait l'objet du pari entre l'accusateur et Dieu (1.9).
2Évidemment, je connais bien ce point de vue.
Avoir raison contre Dieu ? Ce n'est pas possible !
3Supposons qu'on veuille discuter avec lui,
il ne répondra pas, même une fois sur mille.
4Il est certes trop fort et trop intelligent
pour qu'on lui tienne tête et qu'on en sorte intact.
5Il déplace les montagnes, sans qu'elles sachent
qui, dans sa colère, les bouleverse ainsi.
6Sur place il fait trembler la terre ;
les piliers qui la supportent sont ébranlés.
7Il ordonne au soleil de ne pas se lever,
et il enferme à clé les étoiles du ciel.
8A lui seul, il déploie les espaces célestes,
et il pose ses pas sur les vagues des mers.
9Il a tracé les constellations : la Grande Ourse,
Orion, les Pléiades et les Chambres du Sud.
10Ce qu'il fait est grandiose, il n'est pas limité.
On ne peut pas énumérer tous ses prodiges.
11S'il passe près de moi, je ne peux pas le voir,
et s'il s'en va plus loin, je ne m'en rends pas compte.
12Qui lui ferait lâcher ce qu'il a pris de force ?
Qui oserait lui demander : « Que fais-tu donc ? »
13Quand Dieu est en colère, il ne renonce pas.
A ses pieds sont courbés les monstres de la mer,
Rahab et ses complices.
14Dans ces conditions, moi, puis-je lui répliquer ?
Quel argument choisir pour le lui opposer ?
15Même si j'ai raison, je ne peux rien répondre,
et je dois demander la grâce de mon juge !
16Même si je l'appelle et même s'il répond,
je ne peux être sûr qu'il voudra m'écouter.
17Il m'écrase pour un motif insignifiant,[#9.17 ou : d'autres interprètent]
il m'inflige pour rien blessure après blessure,
18il ne me permet pas de reprendre mon souffle,
mais jusqu'à la nausée me gave d'amertume.
19Faut-il nous affronter ? Il est trop fort pour moi !
Job poursuit en affirmant son innocence , reconnue par le narrateur et Dieu lui-même (1.182.3, où le même mot hébreu est rendu par irréprochable). Les prophètes de la Bible voyaient en Dieu le maître et le juge de l'histoire. Pour répondre à Bildad, Job décrit un Dieu qui agit de façon arbitraire, ce qui enlève tout sens à l'histoire. Si Dieu se fait complice du mal, comment est-il juste ? Job est dépassé par l'attitude incompréhensible de Dieu. Aujourd'hui, beaucoup partagent la perplexité de Job.
Faut-il aller en jugement ?
Mais voudra-t-il me convoquer au tribunal ?
20Même si j'ai raison,
ce que je pourrais dire me donnerait tort,
et me condamnerait malgré mon innocence.
21Suis-je innocent ? Je ne me connais pas moi-même.
Je suis dégoûté de la vie.
22Tout est pareil, c'est pourquoi je le dis :
Dieu supprime aussi bien innocent ou coupable.
23Quand une catastrophe arrive tout à coup
et tue des innocents,
Dieu n'a que moqueries pour toutes leurs détresses !
24Quand un pays tombe au pouvoir d'un criminel,
Dieu oblige les juges à fermer les yeux !
Car si ce n'est pas lui, qui donc ?
25Et mes jours ont passé plus vite qu'un coureur,
ils se sont tous enfuis sans voir aucun bonheur,
26glissant rapidement comme un bateau de joncs,
comme un aigle qui fonce du ciel sur sa proie.
27Si je me dis : il faut oublier mes soucis,
Cette complainte, dont Job radicalise la formulation, est en même temps une protestation et un acte de foi. Pourquoi prier si l'on n'a pas au fond de soi l'espoir que Dieu finira par entendre et par faire justice ? Mais la prière de Job n'apporte pas de solution miracle à la souffrance. La foi combative de Job rejoint les questions et les défis que la souffrance ne cesse de poser à chacun.
cesser d'être morose et me mettre à sourire,
28je reste tourmenté par toutes mes souffrances,
et je sais que toi, Dieu, ne m'acquitteras pas.
29Si de toute façon je ne suis qu'un coupable,
A quoi bon me donner de la peine pour rien ?
30J'aurais beau me laver en usant du savon,[#9.30 : d'autres interprètent (fondue).]
me nettoyer les mains avec de la potasse,
31tu me replongerais aussitôt dans la boue,[#9.31 : c'est l'interprétation des anciennes versions grecque et latine ; la tradition juive a lu]
au point de faire horreur à mes propres habits.
32Car Dieu n'est pas du tout au même rang que moi,
Job présente une autre possibilité : « s'il y avait un arbitre entre nous », Dieu ne serait plus à la fois juge et partie. Mais un tel arbitre qui puisse poser la main sur eux, c'est-à-dire qui soit impartial (Ps 139.5), n'existe pas. Un tel arbitre devrait être plus que Dieu ! Job reviendra plus tard sur cette solution (16.1919.25).
comme un autre homme auquel je pourrais répliquer
ou donner rendez-vous devant un tribunal.
33Au moins, s'il y avait un arbitre entre nous,
qui poserait la main sur chacun de nous deux !
34il laisserait alors le bâton qui me frappe,
et il ferait cesser la terreur qui m'accable.
35Je pourrais lui parler sans avoir peur de lui.
Mais ce n'est pas le cas, je suis seul avec moi.