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1Un jour, les Israélites adressèrent au Seigneur des plaintes amères. Lorsque le Seigneur entendit cela, il se mit en colère ; il envoya contre eux un feu qui ravagea l'extrémité du camp.
2Le peuple supplia Moïse à grands cris ; celui-ci intercéda auprès du Seigneur, et le feu s'éteignit.
3On donna à cet endroit le nom de Tabéra, ce qui signifie « incendie », car c'est là que le Seigneur avait incendié leur camp.
La belle harmonie des chap. 1–10 entre le Seigneur et son peuple est brisée brutalement. Leur relation entre dans une longue période de crises (révoltes, contestations) qui ira en s'amplifiant jusqu'au chap. 25 ; comme si en s'éloignant du Sinaï, Israël s'éloignait déjà de l'alliance et de l'attitude d'obéissance et de confiance qu'elle suppose. L'auteur n'explique pas ces premières plaintes, ce qui souligne leur caractère irrationnel. Le scénario de ces trois versets se répétera en 12.1-16 et 21.4-10 : plainte – colère et châtiment divin – supplication du peuple envers Moïse – prière de Moïse en faveur du peuple – exaucement et salut – localisation de l'événement.
4Un autre jour, les étrangers d'origines diverses qui se trouvaient parmi les Israélites furent obsédés par l'envie de manger de la viande ; les Israélites eux-mêmes recommencèrent à se plaindre en disant : « Si seulement nous avions de la viande à manger !
5Ah ! nos repas en Égypte, quel souvenir ! Le poisson gratuit, les concombres, les melons, les poireaux, les oignons et l'ail.
6Ici, rien de tout cela ; nous dépérissons à force de ne voir que de la manne ! »
7– La manne avait la forme des graines de coriandre et était blanchâtre comme la résine du bdellium.[#11.7 Sur la et la , voir Ex 16.31 et la note. – : arbuste d'Arabie, produisant une résine parfumée très appréciée ; comparer Gen 2.12.]
8-9Pendant la nuit, elle se déposait sur le camp en même temps que la rosée. Le matin, le peuple se dispersait pour en ramasser ; on l'écrasait entre deux meules ou on la pilait dans un mortier, puis on la cuisait dans une marmite ou on en faisait des galettes. La manne avait le goût de gâteaux à l'huile. –[#11.8-9 Voir Ex 16.13-15.]
Cette contestation a deux causes : les Israélites subissent des influences extérieures (la convoitise contagieuse des étrangers qui les accompagnent) et regrettent la nourriture abondante qui leur était servie lorsqu'ils étaient esclaves (comme en Ex 16.3), dans un désir stérile de retour au passé. En 16.13, les adversaires de Moïse iront jusqu'à parler de l'Égypte en des termes réservés normalement au pays promis. Dieu montre au peuple que sa convoitise l'enferme dans une régression qui aboutit à la mort (v. 18-23, 31-35).
10Moïse entendit les Israélites se plaindre, groupés par familles à l'entrée de leurs tentes. Le Seigneur fut saisi d'une ardente colère, et Moïse, très affligé,
11lui demanda : « Pourquoi me traites-tu de la sorte, Seigneur ? Pourquoi me refuses-tu ta bienveillance ? Pourquoi m'imposes-tu le fardeau de diriger tout ce peuple ?
12Ce n'est pas moi qui ai porté ce peuple et qui l'ai mis au monde, et pourtant tu m'ordonnes de le prendre dans mes bras comme une nourrice prend un bébé, pour le conduire dans le pays que tu as promis à ses ancêtres.
13Où pourrais-je trouver de la viande pour tous ces gens qui pleurent et exigent que je leur en donne à manger ?
14Je ne peux pas, tout seul, supporter le fardeau que représente ce peuple. C'est trop pour moi !
15Si tu veux me traiter de cette manière, tue-moi plutôt ! Tu me manifesteras ainsi ta bienveillance, et je ne serai pas témoin de mon propre malheur. »
Moïse, face à une situation qu'il ne supporte plus, connaît un profond découragement : plainte et cris de colère envers Dieu (v. 11-12), sentiment de dégoût devant l'ampleur des difficultés (v. 13-14, 21-22) et désir de mort (v. 15). A la différence de la littérature mythologique, la Bible ne cache pas les faiblesses bien humaines de ses plus grands personnages. D'autres connaîtront ce même passage à vide : Élie (1 Rois 19), ou Jonas (Jon 4.8). Dieu soutient Moïse grâce à un conseil d'anciens (on peut lire aussi Ex 18.17-26) : c'est l'amorce du Sanhédrin (Conseil supérieur), réunissant soixante-dix membres dans une institution qui est restée active dans le judaïsme jusqu'au 5e siècle après J.-C.
16Le Seigneur répondit à Moïse : « Rassemble soixante-dix hommes respectables, que tu connais comme anciens et responsables du peuple. Tu les amèneras à la tente de la rencontre ; ils se tiendront avec toi, là, devant moi.
17Je descendrai m'entretenir avec toi à cet endroit. Je prélèverai un peu de l'Esprit que je t'ai donné, pour en répandre sur eux ; ils pourront dès lors t'aider à porter la charge que représente ce peuple, et tu ne seras plus seul pour cela.
18Quant au peuple, dis-leur : “Purifiez -vous pour demain ! Vous aurez de la viande à manger, car le Seigneur a entendu vos plaintes. Il sait que vous avez grande envie de viande, au point de prétendre que vous étiez bien en Égypte ; c'est pourquoi il va vous en donner à manger.
19Vous n'en aurez pas seulement pour un jour ou deux, ni même pour cinq, dix ou vingt jours.
20Vous mangerez de la viande pendant tout un mois, jusqu'à en être dégoûtés, jusqu'à ce qu'elle vous ressorte par le nez. Ce sera votre punition pour avoir rejeté le Seigneur qui demeure au milieu de vous, en vous plaignant devant lui d'être sortis d'Égypte.” »
21Moïse s'exclama : « Ce peuple qui m'entoure ne compte pas moins de six cent mille hommes. Et tu prétends leur donner de la viande à manger pour tout un mois !
22Si nous abattions tous nos moutons, nos chèvres et nos bœufs, cela ne suffirait pas ; si nous pouvions pêcher tous les poissons de la mer, même cela ne suffirait pas ! »
23Le Seigneur lui répondit : « Et ma puissance, n'est-elle pas suffisante ? Tu verras sous peu si ce que je t'ai dit se réalise ou non. »
24Moïse se retira et alla rapporter au peuple ce que le Seigneur avait dit. Ensuite il rassembla soixante-dix anciens d'Israël et les plaça autour de la tente.
25Le Seigneur descendit dans la colonne de fumée et s'entretint avec Moïse. Il préleva un peu de l'Esprit qu'il avait donné à Moïse, pour en répandre sur les soixante-dix anciens. Dès que l'Esprit fut sur eux, ils commencèrent à parler comme des prophètes , mais ils ne continuèrent pas.[#11.25 Voir Ex 13.21 et la note.]
Certaines traditions disent qu'Eldad et Médad se trouvent ajoutés aux soixante-dix réunis autour de Moïse pour recevoir son Esprit en partage : d'où le scandale dénoncé par Josué. Mais Dieu est libre de donner son Esprit à qui il veut et où il veut : la reconnaissance du charisme prophétique d'Eldad et Médad par Moïse, à l'encontre des objections de Josué, sert à protéger l'indépendance de la fonction prophétique contre ceux qui voudraient la soumettre au contrôle de l'institution.
Une hésitation semblable apparaît pour des disciples envoyés par Jésus : sont-ils soixante-dix ou soixante-douze ? Les versions varient (Luc 10.1).
26Deux hommes, Eldad et Médad, qui figuraient sur la liste des soixante-dix anciens, étaient restés dans le camp au lieu de se rendre à la tente. L'Esprit se posa aussi sur eux et ils se mirent à parler comme des prophètes, en plein camp.
27Un jeune homme courut avertir Moïse : « Eldad et Médad sont en train de prophétiser dans le camp ! » lui dit-il.
28Josué, fils de Noun, qui était serviteur de Moïse depuis sa jeunesse, s'écria : « Moïse, mon maître, fais-les cesser ! »
29Moïse lui répondit : « Es-tu jaloux pour moi ? Si seulement le Seigneur répandait son Esprit sur tous les Israélites, pour qu'ils deviennent tous des prophètes ! »
30Alors Moïse et les soixante-dix anciens d'Israël regagnèrent le camp.
L'institution des soixante-dix met en scène un nouveau personnage qui sera le successeur de Moïse à la tête du peuple, et qui ouvrira les portes du pays tant espéré. Son nom, Josué, signifie « Le Seigneur sauve » ; dans la traduction grecque, il est exactement écrit comme celui de Jésus, qui a la même signification (Matt 1.21). L'un et l'autre passeront par Jéricho (Jos 6.2Marc 10.46), ville d'entrée dans le pays promis.
31Le Seigneur fit souffler de la mer un vent qui amena des cailles et les rabattit sur le camp. Il y en avait tout autour du camp, sur une distance d'une journée de marche et sur une épaisseur d'un mètre environ.
32Le peuple passa ce jour-là, la nuit suivante et le lendemain à ramasser des cailles. Celui qui en ramassa le moins en avait plusieurs milliers de kilos. Ils les étalèrent autour du camp pour les faire sécher.
33Mais dès que les Israélites eurent planté les dents dans cette viande, le Seigneur se mit en colère contre eux et les frappa d'un terrible fléau.[#11.33 : peut-être une épidémie.]
34On appela cet endroit Quibroth-Taava, ce qui signifie « tombes de l'envie », car c'est là qu'on enterra ceux du peuple qui avaient été obsédés par l'envie de manger de la viande.
35De Quibroth-Taava, les Israélites se rendirent à Hasséroth, où ils installèrent leur camp.