Siracide 11

1Un homme d'humble condition, s'il est un sage, peut relever la tête :

il a son rang parmi les gens très haut placés.

Ne pas juger sur l'apparence

L'habit ne fait pas le moine

(11.2-9)

Il ne faut pas juger sur l'apparence car les œuvres du Seigneur sont parfois surprenantes. La période hellénistique n'est pas la seule à avoir connu de nombreux bouleversements de règne. N'est-ce pas là une caractéristique de toutes les époques (Eccl 10.5-7), y compris la nôtre ? Est-il juste de se préoccuper seulement de l'apparence et de critiquer sans réfléchir ?

2Ne vante pas quelqu'un

sous prétexte qu'il a bon genre,

ne rejette personne d'après son apparence.

3L'abeille est petite, comparée aux oiseaux,

mais le goût de son miel est le plus doux du monde.

4Ne te moque pas d'un homme mal habillé

et ne ris pas de celui qui est dans la peine,

car le Seigneur agit de manière surprenante,

et personne ne peut prévoir ce qu'il fera.

5Bien des souverains se sont retrouvés par terre

et c'est un inconnu qui a pris leur couronne.

6Beaucoup de dirigeants ont perdu leur rang

et des gens honorés sont devenus esclaves.

7Commence par t'informer et non par critiquer ;

examine d'abord, tu blâmeras ensuite.

8Ne réponds pas avant d'avoir bien entendu ;

ne coupe pas la parole à celui qui parle.

9N'entre pas dans une querelle où tu n'as rien à faire,

n'interviens pas dans un débat de gens sans foi ni loi.

Richesse et pauvreté

Noyé dans l'action

(11.10-11)

Il est inutile de multiplier les activités car, en définitive, la réussite dépend du Seigneur (Prov 10.22).

10Mon enfant, ne fais pas plusieurs choses à la fois ;

si tu en poursuis trop, tu n'en sortiras pas.

A trop courir partout, on n'attrape rien ;

disperser ses efforts, c'est voler à l'échec.

11On se donne un mal fou, on se hâte au travail,

et l'on arrive d'autant moins au but visé.

12Certains sont peu agiles, ont toujours besoin d'aide ;

ils manquent de moyens, leur pauvreté est grande.

Mais le Seigneur les regarde avec bienveillance

et les relève de leur humiliation.

Confiance en Dieu seul

(11.12-19)

Le Seigneur est considéré comme la cause universelle de tout (Job 1.21És 45.7). L'aspect trompeur de la richesse, aux v. 18-19, rappelle Eccl 2.18-22 et 6.1-2, mais le point de vue de Ben Sira reste conservateur : il croit toujours en une rétribution ici-bas (11.1721-26). Bien que Dieu soit le souverain maître, de qui tout dépend, l'être humain reste néanmoins libre de ses actes (15.11-20). La foi en la toute-puissance du Seigneur semble imposer un certain déterminisme, mais le livre affirme aussi la liberté humaine sans pour autant chercher à concilier les deux.

13Il leur rend leur fierté

au grand étonnement de tout le monde.

14Ce qui est bon et ce qui ne l'est pas,

la vie et la mort, la pauvreté, la richesse,

c'est le Seigneur qui dispose de tout cela.

17Ce que le Seigneur donne est acquis aux fidèles,

et sa bonté les guidera toujours

sur les meilleurs chemins.

18Certains deviennent riches

à force d'épargner et d'économiser.

Mais voici ce qui les attend :

19Quand ils se diront : « Je peux me reposer,

je vais pouvoir jouir de ce que je possède »,

le moment surviendra, sans qu'ils s'en doutent,

où ils devront mourir en laissant tout aux autres.

Le Seigneur peut retourner les situations

Attention aux fausses sécurités !

(11.20-28)

Selon l'enseignement traditionnel, les bons sont récompensés et les méchants sont punis ici-bas (Prov 24.19-20). Ben Sira n'ignore pas que cette affirmation est parfois démentie par les faits, mais il reste convaincu que le succès des gens sans foi ni loi ne peut être que temporaire (Job 8.13-22). Cette conviction l'incite à maintenir sa confiance dans le Seigneur (2.681013). Il se montre plus conservateur que Job ou l'Ecclésiaste qui avaient déjà contesté cette conception à leur époque (Job 21.7-18Eccl 9.11-12).

Les v. 23-24 forment une antithèse, expliquée dans les versets suivants : il convient de vivre un jour à la fois, sans aucune fausse sécurité (v. 25), et de savoir que seule la mort vient véritablement révéler ce que vaut l'être humain (v. 26-28). Le v. 28, qui fait écho à 1.13, reprend une pensée maintes fois exprimée dans les tragédies grecques : « C'est donc ce dernier jour qu'il faut, pour un mortel, toujours considérer. Gardons-nous d'appeler jamais un homme heureux, avant qu'il ait franchi le terme de sa vie sans avoir subi un chagrin. » (Sophocle, Œdipe Roi , vers 1528 à 1530, trad. Paul Mazon © Les Belles Lettres, Paris.)

20Tiens-toi à ton devoir, consacres-y tes forces,[#11.20 : d'après le texte hébreu ; grec ou]

que ce travail t'occupe jusqu'à ta vieillesse !

21Ne te laisse pas impressionner

par les succès des gens sans foi ni loi.

Fais confiance au Seigneur et sois persévérant

dans la tâche que tu as à remplir.

Car le Seigneur trouve facile

d'enrichir tout à coup celui qui était pauvre.

22La récompense des fidèles,

c'est la bénédiction du Seigneur :

en peu de temps tous leurs espoirs se réalisent.

23Ne te demande pas ce qui te manque encore,

ou quels biens tu devrais avoir à l'avenir.

24Ne te dis pas non plus : « J'ai tout ce qu'il me faut ;

quel malheur pourrait donc me toucher désormais ? »

25Dans les bons jours, on ne pense plus aux malheurs

et dans les mauvais jours, on oublie les bonheurs.

26Pour le Seigneur, il est facile

d'attendre le dernier jour d'un homme

pour le traiter enfin comme il l'a mérité.

27Un mauvais moment fait oublier

les plaisirs de toute une vie.

Les derniers jours d'un homme révèlent

ce que valaient ses actes.

28Avant sa mort, ne déclare personne heureux :

on ne connaît quelqu'un qu'au moment de sa fin.

Savoir choisir ses relations

Appel à la vigilance

(11.29-34)

L'hospitalité est certes une valeur importante, mais elle doit se pratiquer avec prudence lorsqu'il y a danger d'assimilation. Cette invitation à se méfier des gens malins et des étrangers est un moyen de freiner l'hellénisation et le syncrétisme religieux qui est en train d'éloigner les Juifs de leur propre tradition. Ben Sira cherche, non sans difficulté, le juste milieu entre l'isolement et l'assimilation.

29Les gens malins ont cent moyens de te tromper ;

ne fais donc pas entrer n'importe qui chez toi.

30L'orgueilleux est comme une perdrix captive

– dont on se sert pour capturer d'autres perdrix – :

il guette l'instant où tu te laisseras prendre.

31Il dresse son piège, changeant le bien en mal[#11.31 Comparer És 5.20.]

et salissant de boue les gestes les plus purs.

32Ainsi qu'une flammèche allume un tas de bois,

l'homme sans foi ni loi tend des pièges mortels.

33Méfie-toi des méchants : ils fabriquent le mal

et ils pourraient salir ton honneur pour toujours.

34Si tu héberges un étranger,

il peut semer le trouble chez toi

et dresser contre toi les gens de ta maison.

Société biblique française – Bibli'O, 2004
Published by: French Bible Society