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1A l'époque du grand-prêtre Onias, les habitants de Jérusalem, la ville sainte, jouissaient d'une paix complète. Ils obéissaient strictement aux lois, car Onias était attaché à Dieu et haïssait le mal.[#3.1 III, fils de Simon II (voir 50), descendant de Sadoc (voir Ézék 40.46 et la note). C'est probablement à lui que Dan 9.26 ; 11.22 fait allusion (voir Dan 9.26 et la note).]
2Les rois eux-mêmes respectaient le temple et lui accordaient généreusement des dons précieux.
3C'est ainsi que Séleucus, roi de l'Asie, payait de ses propres revenus tous les frais occasionnés par les sacrifices qu'on y présentait.[#3.3 IV, surnommé Philopator, souverain séleucide (voir la note sur 1.8) de 187 à 175 avant J.-C. – : voir 8.6 et la note.]
La paix dans laquelle vit le peuple de Dieu dépend de sa fidélité aux commandements et de sa haine du mal. Comme une partie du peuple s'est montrée infidèle, les malheurs fondront par la suite sur la communauté sainte.
Cette paix comporte une autre dimension : la reconnaissance par les rois païens de la sainteté du temple (d'où l'envoi de dons). A cet égard, la perspective du livre est d'emblée différente de celle de 1 Mac , où les rois païens sont systématiquement dépeints comme orgueilleux et impies.
4Un certain Simon, prêtre appartenant au groupe de Bilga, était alors chargé d'administrer le temple. Il fut en désaccord avec le grand-prêtre Onias au sujet de l'inspection des marchés de la ville.[#3.4 Le était un des vingt-quatre groupes de prêtres (voir 1 Chron 24.7-18).]
5Comme il ne pouvait pas l'emporter sur Onias, il alla trouver Apollonius, fils de Thraséas, qui était à cette époque gouverneur de la Grande-Syrie et de la Phénicie.[#3.5 ou, d'après certains manuscrits, – : voir la note sur 7.8.]
6Il lui raconta que le trésor du temple, à Jérusalem, était plein de richesses incroyables : il y avait là une masse d'argent incalculable, sans aucun rapport avec les sommes nécessaires pour les sacrifices, et il serait possible de la confisquer en faveur du roi.
La rupture de l'équilibre initial ne vient pas des païens, mais de l'intérieur même de la communauté. Sans doute Onias reprochait-il à Simon de tolérer sur les marchés des produits non conformes à la loi de Moïse. La convoitise de l'argent et du pouvoir va entraîner la déstabilisation et finalement la persécution du peuple de Dieu. Bien que Simon soit un prêtre, il n'hésite pas à mettre le temple en danger pour satisfaire son avidité.
7Dès qu'Apollonius eut une entrevue avec le roi, il lui révéla l'existence des richesses que Simon lui avait indiquées. Alors le roi chargea son premier ministre, Héliodore, de se rendre à Jérusalem, avec ordre de lui rapporter les dites richesses.
8Héliodore se mit aussitôt en route, sous prétexte d'inspecter les villes de la Grande-Syrie et de la Phénicie, mais en réalité pour exécuter les projets du roi.
Les rois hellénistiques levaient beaucoup d'impôts sur leurs sujets, en particulier à cause des guerres coûteuses qu'ils entreprenaient. L'annonce que le temple de Jérusalem contenait une telle somme représentait une aubaine pour renflouer les caisses du roi Séleucus, dont la piété envers le temple du Dieu d'Israël rencontrait ici sa limite. Rappelons qu'Antiochus III avait trouvé la mort précisément en voulant dépouiller un temple de ses richesses. La pratique était donc connue.
9Arrivé à Jérusalem, il fut accueilli amicalement par le grand-prêtre et les habitants de la ville. Il leur expliqua la raison de sa présence, en racontant les révélations faites au sujet du trésor du temple ; mais il demanda si ces informations étaient bien conformes à la vérité.
10-11Le grand-prêtre lui démontra que les déclarations de l'infâme Simon étaient des mensonges : il y avait bien de l'argent dans le trésor du temple, mais il s'agissait en partie de dépôts réservés aux veuves et aux orphelins, et en partie de sommes appartenant à Hyrcan, fils de Tobie, personnage haut placé ; le total équivalait à 11 000 kilos d'argent et 5 500 kilos d'or.[#3.10-11 ou : les veuves et les orphelins étaient particulièrement protégés par la loi (Deut 14.29 ; 27.19). – appartenait à la famille des Tobiades qui gouvernaient le territoire d'Amman en Transjordanie (comparer 5.13 et la note).]
12De plus, y toucher était absolument impossible : ce serait une grave injustice envers ceux qui avaient eu confiance en la sainteté du lieu, en la majesté et l'inviolabilité d'un temple honoré dans le monde entier.
La Bible est remplie d'appels au respect des droits de la veuve et de l'orphelin. Aussi l'effraction du temple que projette Héliodore est-elle doublement impie : non seulement il va profaner la sainteté du temple, mais il va commettre l'injustice par excellence, à savoir dépouiller les pauvres.
13Mais Héliodore, en raison des ordres qu'il avait reçus du roi, persistait à dire que ces biens devaient être confisqués au profit du trésor royal.
14Au jour fixé par lui, il se rendit donc dans le temple pour y procéder à l'inventaire de ses richesses.
Une très vive inquiétude se répandit alors dans toute la ville.
15Les prêtres, revêtus de leurs habits sacrés, se prosternaient devant l'autel ; ils suppliaient Dieu, l'auteur de la loi sur les dépôts, de conserver intacts ces biens pour ceux qui les avaient déposés.[#3.15 : comparer Ex 22.6-12.]
16Ceux qui voyaient le grand-prêtre en avaient le cœur déchiré : son visage avait changé de couleur et révélait l'angoisse de son être ;
17la frayeur qui avait envahi sa personne et le tremblement de son corps manifestaient sa profonde souffrance aux yeux de tous.
18Les gens se précipitaient par groupes hors des maisons pour prier tous ensemble afin d'écarter du temple la profanation qui le menaçait.
19Une foule de femmes, en vêtements de deuil et la poitrine découverte, remplissaient les rues. Les jeunes filles, que l'on garde enfermées à la maison, couraient à la porte ou aux murs de la terrasse ; certaines se penchaient aux fenêtres.[#3.19 : rite de deuil attesté dans divers pays de l'Antiquité.]
20Toutes levaient les mains vers le ciel et suppliaient Dieu de les secourir.[#3.20 : voir Ps 28.2 et la note.]
21C'était un spectacle bouleversant de voir la population étendue à terre, pêle-mêle, pour prier, et le grand-prêtre agité d'une extrême angoisse.
L'unité de la communauté de Jérusalem est remarquable : comme un seul homme, tous ses membres s'empressent d'intercéder pour le temple, délaissant toute autre occupation. Le fait pour les femmes de se découvrir la poitrine était un rite de deuil courant dans l'Antiquité, commun aux Grecs, aux Égyptiens et aux Syriens.
22Tandis que chacun suppliait le Seigneur tout-puissant de protéger ces biens et de les garder intacts pour ceux qui les avaient déposés là,
23Héliodore, de son côté, se mettait à exécuter ce qui avait été décidé.
24Il se trouvait déjà, avec ses gardes du corps, près du trésor du temple, quand le Maître des esprits célestes et de tout pouvoir suscita une apparition extraordinaire. Alors, tous ceux qui avaient eu l'audace de pénétrer dans ce lieu furent terrifiés par cette manifestation de la puissance divine ; ils restèrent sans force, paralysés par la peur.[#3.24 : ce titre, donné à Dieu, est rarement attesté dans la Bible.]
25Ils virent, en effet, un cheval orné d'un magnifique harnais et monté par un cavalier à l'air redoutable, couvert d'une armure d'or. Le cheval se cabra avec impétuosité et agita contre Héliodore ses sabots de devant.
26En même temps, deux jeunes gens apparurent, d'une force impressionnante et d'une beauté éclatante, habillés de vêtements superbes. Debout près d'Héliodore, l'un à droite et l'autre à gauche, ils le frappaient sans relâche, à coups redoublés.
27Aussitôt, Héliodore tomba à terre, totalement inconscient. On le ramassa pour le placer sur une civière.[#3.27 : autre traduction]
28Cet homme qui venait d'entrer dans la salle du trésor avec une nombreuse escorte et ses gardes du corps, fut réduit à l'impuissance ; ses gens l'emportèrent et chacun fut ainsi obligé de reconnaître clairement la souveraineté de Dieu.
Dieu manifeste de manière éclatante sa présence dans le temple. Il envoie des anges (présentés comme des jeunes gens) à l'impie Héliodore pour lui faire comprendre que le temple et son trésor appartiennent à Dieu.
29Sous le coup de l'action divine, Héliodore était donc étendu sans voix et privé de tout espoir de s'en sortir vivant.
30Quant à la population de la ville, elle louait Dieu d'avoir si glorieusement protégé son saint lieu. Peu auparavant, tous étaient remplis de frayeur et d'angoisse dans le temple ; maintenant, ils débordaient d'une très grande joie grâce à l'intervention du Seigneur tout-puissant.
Alors qu'Héliodore est rendu muet, la communauté de Jérusalem entonne une louange retentissante. Héliodore ne retrouvera la parole que pour rendre témoignage de ce qui lui est arrivé et de ce que le temple est bel et bien sous la protection de Dieu.
Bien qu'Héliodore soit un païen sacrilège et impie, Dieu lui accorde la vie, après l'intercession d'Onias en sa faveur (le sacrifice d'expiation accompagne la prière, et le tout est ici synonyme d'intercession). L'importance de l'intercession d'un juste apparaît dans d'autres passages du livre ; bien après la mort d'Onias, Judas le voit en rêve qui intercède pour le peuple de Dieu, accompagné du prophète Jérémie, qui intercède lui aussi constamment pour le peuple et pour Jérusalem (15.12-14). Par ailleurs l'intercession peut aussi être faite par les vivants à l'intention des morts, comme l'indique le fait que Judas offre un sacrifice pour expier le péché des soldats juifs morts à cause des objets idolâtres qu'ils portaient sur eux (12.43-45). Cette solidarité réciproque des fidèles vivants ou défunts est unique dans la Bible ; elle est permise par une croyance nouvelle, la résurrection des morts (12.44).
31Mais bientôt quelques-uns des compagnons d'Héliodore demandèrent au grand-prêtre Onias de prier le Très-Haut d'accorder la vie à l'homme qui, étendu là, était sur le point de rendre le dernier soupir.
32Onias offrit alors un sacrifice à Dieu pour qu'il guérisse Héliodore. Il craignait en effet que le roi n'en vienne à soupçonner les Juifs d'avoir commis un attentat contre son envoyé.
33Pendant que le grand-prêtre présentait le sacrifice pour obtenir le pardon de Dieu, les mêmes jeunes gens, portant les mêmes vêtements, apparurent de nouveau à Héliodore. Debout près de lui, ils lui dirent : « Tu peux remercier Onias, le grand-prêtre, car c'est grâce à lui que le Seigneur t'accorde la vie.
34Après cette bonne correction que Dieu t'a donnée, va annoncer à tout le monde combien grande est sa puissance. » Cela dit, ils disparurent.
35Héliodore offrit alors un sacrifice au Seigneur et lui promit de nombreux dons, parce qu'il lui avait conservé la vie. Puis il prit congé d'Onias et retourna avec ses troupes auprès du roi.
36Devant tous, il proclamait ce que le Dieu très grand avait réalisé et lui avait fait voir de ses propres yeux.
37Le roi lui demanda qui il pourrait encore envoyer à Jérusalem. Héliodore lui répondit :
38« Si tu as un ennemi, ou si tu connais quelqu'un qui conspire contre ton gouvernement, envoie-le là-bas. S'il en réchappe, tu le verras revenir roué de coups, car il est évident qu'une puissance divine est à l'œuvre en cet endroit.
39Le Dieu qui a sa demeure dans le ciel veille sur ce temple et le protège ; il frappe à mort ceux qui veulent y pénétrer avec de mauvaises intentions. »
40Voilà donc ce qui arriva à Héliodore et c'est ainsi que le trésor du temple fut préservé du pillage.